Abdelmoumen Khalifa a été mis, hier, en liberté provisoire après avoir versé une caution à la justice britannique. L’information a été donnée dans la journée par un porte-parole de la police de Londres, cité par l’AFP, lequel a affirmé que le golden boy algérien se présentera le 20 mars dans un poste de police.
Cette remise en liberté de Rafik Khalifa, jugé par contumace à Alger pour « association de malfaiteurs et escroquerie » est intervenue cinq jours après son arrestation par Scotland Yard le 27 février 2007. La police londonienne le soupçonne de blanchiment d’argent. Son arrestation a été confirmée par les autorités algériennes. En premier lieu, le chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, a déclaré hier, en marge de l’ouverture de la session parlementaire du printemps à Alger, que « Abdelmoumen a été, en effet, arrêté par les autorités britanniques ». Le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Yazid Zerhouni, est, lui aussi, monté à la tribune pour corroborer les propos du chef de l’Exécutif, précisant au passage qu’« il ne peut y avoir une coopération sérieuse entre l’Algérie et la Grande-Bretagne dans d’autres domaines, si on ne peut pas résoudre un cas qui relève du droit commun, comme l’affaire de l’extradition de Abdelmoumen Khalifa ». M. Zerhouni estime ainsi que les Britanniques ont compris qu’« ils doivent agir par rapport à ce dossier » en arrêtant et en extradant le principal accusé, à savoir Abdelmoumen Khalifa, dans ce qui a été qualifié – par l’ancien chef de l’Exécutif algérien, Ahmed Ouyahia – de « l’escroquerie du siècle ».
Une porte-parole du ministère britannique de l’Intérieur a argumenté l’arrestation de Rafik Khalifa par le fait que « le Royaume-Uni n’est pas un refuge pour criminels et nous nous tenons prêts à aider toute demande d’extradition dans le cadre prévu par la loi ». Il faut préciser que, bien avant l’affirmation officielle, l’arrestation de Abdelmoumen Khalifa a été annoncée dans la matinée par des journaux algériens. Scotland Yard, affirme-t-on, a ouvert une enquête sur l’origine de la fortune de Abdelmoumen Khalifa, qui, selon certains témoignages, mène une vie de prince depuis qu’il est installé à Londres en 2003. L’ouverture le 8 janvier 2007 du procès de la caisse principale de son ex-banque éponyme au tribunal criminel de Blida dans lequel il est cité comme le principal accusé, l’a poussé à rompre son silence en faisant trois sorties médiatiques, sur Al Jazeera, le quotidien français Le Figaro et l’hebdomadaire algérien El Mohaqiq, dans lesquelles il défiait les autorités algériennes d’obtenir son extradition. Il avait affirmé sur Al Jazeera avoir bénéficié de l’asile politique en Grande-Bretagne. Est-ce vrai ? Pas de réponse officielle de la part des autorités britanniques.
Khalifa sera-t-il extradé ou jugé par les Britanniques?
Mais la question qui se pose d’elle-même est de savoir si Rafik Khalifa sera extradé. Si l’on s’en tient aux déclarations de M. Zerhouni et du porte- parole du ministère britannique de l’Intérieur, cette arrestation aboutirait à une extradition en conformité, bien sûr, avec les accords qui ont été signés par les deux gouvernements algérien et britannique en juillet 2006 et ratifiés par les deux parlements en décembre de la même année. L’échange des instruments de ratifications entre l’Algérie et le Royaume-Uni, dernière étape pour l’entrée en vigueur des accords, a été fait le 25 février 2007, soit deux jours avant l’arrestation de Rafik Khalifa. Cela permettrait donc d’actionner la procédure d’extradition. Sera-t-il ainsi extradé ? Ou sera-t-il jugé par la justice britannique pour blanchiment d’argent, chef d’inculpation qui lui a valu déjà un mandat d’arrêt international lancé par Interpol ? Questions qui restent sans réponse.
Selon des spécialistes de la législation britannique, même s’il y a une volonté réelle de livrer Khalifa aux autorités algériennes, les procédures d’extradition en Grande-Bretagne restent longues et les mis en cause peuvent user du système de recours complexe afin de gagner le maximum de temps. Son extradition avant la fin du procès en cours à Blida demeure donc peu probable. Un avocat nous affirme, néanmoins, que dans le cas où la procédure aboutirait rapidement, Abdelmoumen Khalifa passera directement devant le tribunal de Blida et c’est à la juge de faire l’instruction en audience. Dans le cas où son extradition interviendrait après le verdict, il passera devant le juge d’instruction et sera jugé par le tribunal criminel de Blida. Les autres condamnés dans la même affaire seront appelés à la barre en tant que témoins. Mais certains juristes doutent fort qu’il soit extradé, s’appuyant sur l’indépendance de la justice britannique. Ils estiment ainsi que pour convaincre cette justice, les autorités judiciaires algériennes doivent présenter un dossier complet et solide prouvant sa culpabilité et démontrant par-là même qu’il ne s’agissait guère d’une affaire politique, comme tenait à l’affirmer Abdelmoumen Khalifa dans ses sorties médiatiques, allant jusqu’à imputer la faillite de sa banque au président Abdelaziz Bouteflika. Ces mêmes juristes se demandent si les autorités algériennes sont capables réellement de convaincre les juges britanniques que l’affaire pour laquelle est poursuivi Rafik Khalifa n’est pas politique dès lors que de hautes personnalités de l’Etat, dont d’anciens ministres, sont éclaboussées ? Une chose est sûre : la demande d’extradition de Abdelmoumen Khalifa va être minutieusement étudiée sur des bases de loi en vigueur en Grande-Bretagne.
M. A. O, pour El Watan