Pour la plupart des intellectuels africains (lions), le problème de pauvreté en Afrique réside dans une double domination : celle de l’occident et celle des dirigeants africains corrompus. Si la prise de conscience est salutaire, il n’empêche que quand il s’agit de proposer des solutions, ces mêmes intellectuels ne sont pas bien inspirés. Dans cette contribution, Gisèle Dutheuil, Directrice d’Audace Institut Afrique, démontre clairement que pour sortir l’Afrique de sa torpeur, il faut que la société civile africaine fasse le choix de la liberté : la solution ne peut venir si de l’occident ni des dirigeants.
On entend de manière récurrente des intellectuels se prononcer sur le problème de la pauvreté en Afrique qui perdure après plus d’un demi-siècle d’indépendance. Faire parler ces intellectuels, en opposant le regard du chasseur (les Occidentaux) à celui du lion (les Africains) a d’ailleurs fait l’objet du film reportage du rappeur sénégalais Didier Awadi « Le point de vue du lion ». Clin d’œil au célèbre proverbe africain qui dit que « Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse ne pourront que chanter la gloire du chasseur.» Mais que nous disent ces lions ? Quelles voies pourraient répondre à leurs préoccupations ? Que pensent plus particulièrement les « lions » ivoiriens ?
Il ressort du film que, pour tous les « lions », l’Afrique souffre d’une forte domination : domination des anciennes puissances coloniales, essentiellement la France, à travers la monnaie, les bases militaires, les réseaux dits françafricains et des entreprises multinationales protégées ; domination soutenue par des dirigeants africains complices baignant dans la corruption sous-jacente, sous perfusion d’aide publique internationale. Tel est le constat unanime des « lions ». Ils s’expriment cependant peu sur les voies à emprunter pour sortir les populations africaines de ce carcan oppressant.
Cependant, si l’on décortique leurs analyses, sachant que l’Afrique est dominée au plan international et que ses dirigeants, plus ou moins complices intéressés de cette emprise, enfoncent leurs pays depuis des décennies dans une pauvreté croissante, il est difficile de chercher en eux la solution, sauf à attendre l’avènement d’un leader charismatique, ce qui semble peu probable. Si la solution ne vient ni de l’extérieur, ni des dirigeants africains, naturellement l’analyse s’oriente vers des solutions libérales. D’ailleurs, les audits de la liberté économique dans le monde réalisés par le Fraser Institute et l’Heritage Foundation, mettent clairement en évidence que la liberté et le progrès sont intimement liés. Si les gouvernements ne font rien pour les populations, ils se devraient au moins de les désenchaîner pour qu’elles puissent créer leur propre richesse. Comme les leaders semblent peu enclins à desserrer l’étau, il est urgent de former une société civile forte qui ait la maturité et la détermination de demander sa liberté.
La liberté peut paraître un objectif imprécis mais si l’on parle concrètement de : faciliter les échanges commerciaux ; de simplifier les formalités de création d’un entreprise et d’en diminuer les coûts ; idem pour les titres de propriété privée ; si l’on parle d’impôts moins écrasants et de déclarations fiscales simplifiées ; de justice efficace et impartiale capable de protéger la propriété et les contrats ; de protection des inventions ; de liberté de s’exprimer ; de diminution de la corruption grâce à un contrôle de l’action des dirigeants, etc. Tout cela donne du volume au mot liberté.
Les Ivoiriens ne s’y trompent d’ailleurs pas. Les différentes crises ont fini par les convaincre de l’impératif de vivre plus libres. La défaillance de leur État depuis les indépendances est incontestable. Soulignons que la Côte d’Ivoire figure dans les États les plus défaillants dans les classements mondiaux (10ème État le plus défaillant sur 177 selon le Fund for Peace pour l’année 2011).
Audace Institut Afrique s’est intéressé, début décembre, au point de vue des Ivoiriens, à leurs espoirs et surtout à l’importance qu’ils accordent à la liberté. Une enquête a donc été menée par l’équipe de l’institut auprès des populations d’Abidjan dans différents quartiers (Abobo, Adjamé, Williamsville, Yopougon, Cocody, Palmerais) mais également à Grand Bassam et Daloa.
Les résultats sont sans ambigüités : OUI ! Les Ivoiriens sont attachés à la liberté à 96% quels que soient leur âge, leur sexe, leur catégorie socioprofessionnelle ou leur lieu de résidence. Ils pensent à 81% que c’est une solution pour faire reculer la pauvreté et 62% croient d’ailleurs plus en l’entreprise qu’en l’État pour ramener la croissance dans le pays. Conscients de l’échec des voies déjà empruntées, 67% pensent que l’aide publique au développement n’est pas utile et que sans elle l’Afrique peut avancer. Ils sont en effet 73% à croire que le continent n’est pas condamné à la pauvreté. Les « lions » ivoiriens veulent la liberté !
L’analyse montre donc que non seulement, dans le contexte, la liberté est la seule voie de progrès adaptée au continent mais il semble que les Africains soient prêts à faire le grand saut et à prendre en main leur vie dignement, de manière responsable, comme en témoigne l’exemple ivoirien. On critique souvent leur, soi-disant, irresponsabilité mais comment être responsable sans liberté ?
Après la phase pertinente de la prise de conscience, après avoir dénoncé, comme nous le montre « le point de vue du lion », les intellectuels africains devraient désormais engager un combat pour résoudre les problèmes identifiés. Le libéralisme étant la voie indiquée, il conviendra dans un premier temps de renverser toutes les idées reçues qui tendent à l’identifier comme le problème plus que la solution. Cette détermination des grandes puissances à cacher l’intérêt que la liberté apporterait à l’Afrique signe en elle-même la volonté de perpétuer la domination. Alors que les « lions » dénoncent de manière récurrente les monopoles des entreprises multinationales, regardons dans le monde où sont les monopoles. Ils sont dans les pays les moins libres car un monopole ne peut exister que s’il est protégé par des gouvernements amis. Que les « lions » se réveillent, qu’ils arrachent les œillères qui les empêchent de trouver la sortie de l’enclos ! Le « lion » ivoirien est debout et veut en sortir. Une mobilisation forte de la société civile devrait aider à en faire tomber les grilles, même si la porte reste verrouillée à double tour.
Gisèle Dutheuil, Audace Institut Afrique en Côte d’Ivoire.
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Publié en collaboration avec UnMondeLibre.org