La Commission vérité et réconciliation a été inaugurée lundi par la Présidente libérienne Ellen Johnson-Sirleaf. Pendant deux ans, elle récoltera les témoignages des auteurs de crimes commis pendant les 14 ans de guerre civile et de leurs victimes. Pour tourner ensemble la page et regarder vers l’avenir.
« Quand la vérité émerge, l’humanité se rachète de la lâcheté et se libère des griffes de la violence ». C’est ainsi que la Président libérienne Ellen Johnson-Sirleaf a inauguré, lundi soir, la Commission vérité et réconciliation. Cette instance, comme en Afrique du Sud ou en Sierra Leone, sera chargée de faire la lumière sur les pages sombres des quatorze années (1989-2003) de guerre civile qui ont meurtri le petit pays ouest-africain.
Cette idée, Ellen Johnson-Sirleaf l’a toujours soutenue. Dans une interview accordée au site d’information Allafrica en 2003, l’ancienne ministre des Finances a déclaré : « J’ai été une de ceux qui ont fortement soutenu à Accra la création d’une Commission vérité et réconciliation. Je crois que, dans l’intérêt de la justice et pour mettre un terme à l’impunité, nous ne devons pas avoir peur d’un tribunal de crimes de guerre. (…) Mais nous avons au moins besoin d’un processus de vérité et de réconciliation pour que les gens aient une opportunité de se tenir devant quelqu’un face à face et d’exprimer leurs griefs. Si nous faisons cela, nous pourrions avoir beaucoup de contrition et de pardon avant que nous en venions à un tribunal de crimes de guerre ». Lors de sa campagne présidentielle, Ellen Johnson-Sirleaf a redit tout le bien qu’elle pensait d’un tel projet.
Deux ans pour écouter victimes et auteurs de crimes
La création de la Commission était prévue par l’Accord de paix d’Accra (Ghana) d’août 2003, qui a mis fin au conflit. Elle a ensuite été adoptée par le parlement de transition en juin 2005. La Commission, qui s’attache à rendre compte de la diversité ethnique et géographique du pays, est composée de neufs membres, avocats et religieux. Trois conseillers techniques internationaux, deux nommés par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest et un par la Haute commission des droits de l’Homme des Nations Unies, soutiendront les commissionnaires dans leur tâche. Une tâche que le Programme des Nations Unies pour le développement va soutenir financièrement avec un don de 500 000 dollars.
Pendant deux ans, la Commission devra « accorder une attention particulière aux femmes, aux enfants, aux personnes âgées et aux autres personnes vulnérables de la société », a expliqué Ellen Johnson-Sirleaf, qui a ajouté que les commissionnaires seront chargés de « documenter tous les abus, établir et valider les récits des victimes et des auteurs de crimes (…) et fournir à la fin de son mandat des recommandations claires et exploitables concernant comment le Liberia peut collectivement restituer le passé et avancer dans l’unité pour faire face au futur ».
Charles Taylor inquiété ?
La Commission vérité et réconciliation pourra recommander l’amnistie, avec l’accord des victimes, mais cette absolution ne devrait pas concerner les violations des droits humains ou les crimes contre l’humanité qui ont marqué la guerre civile. Est-ce à dire que l’ancien chef de l’Etat libérien Charles Taylor sera inquiété ? Ellen Johnson-Sirleaf a plusieurs fois indiqué que l’extradition du militaire, en exil au Nigeria depuis 2003, était pour elle « secondaire ». Mais l’avocat Jérôme Verdier, qui préside la Commission, a toutefois souligné que « la question de faire comparaître ou non Charles Taylor devant nous dépend des preuves que nous allons réunir dans les différentes affaires » et que, comme il est Libérien, « si nous avons besoin de le faire comparaître dans une affaire, il devra le faire ».
Mais certains estiment qu’Ellen Johnson-Sirleaf ne fera rien contre le chef de guerre, inculpé de « crimes contre l’humanité » en Sierra Leone par le Tribunal spécial de Freetown, la soupçonnant d’avoir conservé des liens avec l’ancien régime. D’aucuns n’oublient pas qu’elle a soutenu fin 1989, avant de s’en démarquer, la rébellion de Charles Taylor et que la femme du leader déchu, Jewell Howard Taylor, a appuyée sa campagne électorale.