Frontpage Africa, un quotidien libérien a été contraint de fermer ses portes après des condamnations qui pèsent sur lui, pour avoir porté atteinte à un ex-ministre qui le poursuivait pour diffamation. Le journal doit verser 1,2 million d’euros à l’ex-ministre, et son directeur a été incarcéré depuis la semaine dernière.
Dans l’affaire qui oppose l’ex-ministre libérien de l’Agriculture, Chris Toe et le quotidien Frontpage Africa, avantage au ministre. La Cour suprême du Liberia a prononcé le mercredi 21 août la condamnation du journal et a ordonné la fermeture immédiate du quotidien jusqu’au paiement de 1,6 million de dollars (soit près de 1,2 million d’euros) de dommages et intérêts à Chris Toe. Le différend entre les deux parties remonte en 2009, pour cause de malversations de la part du quotidien.
Le Directeur du journal incarcéré
Aussitôt le jugement rendu, le directeur de Frontpage Africa, Rodney Sieh, a été écroué après avoir déclaré qu’il « ne pouvait pas et n’entendait pas verser cette somme ». Selon la presse locale, Rodney Sieh ne devrait être libéré qu’après règlement de la somme réclamée par la Cour suprême, ou grâce à une intervention en sa faveur de la Présidente libérienne, Ellen Johnson Sirleaf, dont le gouvernement n’a pas toujours été épargné par les critiques du journal. En tout état de cause, rien ne prévoit sa libération dans les jours à venir, bien que son état de santé reste problématique. D’après Wade Williams, un des rédacteurs en chef de Frontpage Africa, M. Sieh a entamé une grève de la faim depuis sa cellule. Il refuse de s’alimenter depuis son incarcération. « Les gens lui demandent de manger, il refuse catégoriquement de le faire. Nous sommes très inquiets pour lui, parce que son état se dégrade de jour en jour », a déclaré à l’AFP Wade Williams.
Comités de presse contre la justice
En 2009, Frontpage Africa avait accusé l’ex-ministre de l’Agriculture, Chris Toe, d’avoir détourné des fonds publics destinés à la lutte contre les chenilles légionnaires. A l’époque, le ministre avait décidé de démissionner de son ministère et porté plainte pour diffamation contre le journal. Il réclamait alors 2 millions de dollars (près de 1,5 million d’euros) au quotidien.
Suite au jugement rendu par la Cour suprême, l’organisation Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé « fermement » la décision de la justice libérienne « d’interdire la publication » du quotidien. Et l’Union de la presse du Liberia (Press Union of Liberia, PUL) et des acteurs de la société civile ont entamé des négociations avec les autorités afin d’éviter la fermeture de Frontpage Africa. Mais la décision de la justice reste pour l’heure inchangée. Et la police a mis en exécution la condamnation de la Cour suprême. « Des policiers ont fermé nos bureaux vendredi » et depuis, « nous avons arrêté la publication du journal. Les employés ne viennent plus travailler parce que les accès aux bâtiments ont été verrouillés », d’après Wade Williams.
Rodney Sieh est bien connu pour mener des contre-attaques verbales contre les politiciens et autorités libériens, mais c’est bien la première fois qu’il est inquiété par la justice.