Le géant de l’acier Mittal Steel est accusé par Global Witness d’avoir floué le gouvernement libérien dans le cadre d’un accord de développement minier signé en août 2005. Selon l’ONG britannique, le texte dépossède le gouvernement de ses droits de souveraineté et rend Mittal maître du projet. Le contrat est actuellement renégocié sous l’impulsion de la présidente Ellen Johnson Sirleaf.
Dans son dernier rapport, l’ONG Global Witness accuse le géant de l’acier Mittal Steel, aujourd’hui ArcelorMittal, d’être devenu « un Etat dans l’Etat » au Liberia. Le 17 août 2005, la multinationale, basée aux Pays-Bas, a signé avec le gouvernement de transition libérien un important accord de développement minier (AMD). A travers le document, elle s’engageait à investir près de 900 millions de dollars US, sur 25 ans, pour extraire un milliard de tonnes de minerai de fer. Après quatorze ans d’une guerre civile qui l’a mis à genoux, « le Liberia a besoin de travail. Ce que Mittal va apporter », concède Natahalie Ashworth, enquêtrice pour Global Witness. « De la même façon, l’AMD prévoit des accords dans le domaine de l’éducation et de la santé. Mais, précise-t-elle, cela n’a pas de poids en comparaison des pouvoirs de souveraineté et des droits économiques » abandonnés au consortium.
Le prix du fer et des royalties fixés par Mittal
La présidente libérienne, Ellen Johnson Sirleaf, avait elle-même exprimé des réserves quant à l’équité de l’AMD, en juin dernier, dans une interview accordée au Financial Times. Elle avait notamment regretté la faible participation de l’Etat, à hauteur de 30%, dans le projet. L’accord a aujourd’hui toujours cours, mais il est en renégociation. Economiste diplômée d’Harvard, ex fonctionnaire de la Banque Mondiale et ex ministre des Finances, Ellen Johnson Sirleaf avait également été émue par le fait que Mittal allait gérer selon son bon vouloir les infrastructures portuaires et ferroviaires liées à son activité : c’est-à-dire le port de Buchanan et le réseau ferroviaire allant de Yekepa au port, précise Global Witness. Selon les termes du contrat, si un tiers souhaite utiliser ces aménagements publics, il ne le pourra qu’en fonction de l’activité de Mittal et moyennant finance, indique l’ONG. Le gouvernement ne pouvant pas tirer d’avantage de son exploitation.
Les parts de l’Etat libérien ne sont que de 30%, mais si Mittal Steel décide une levée de fonds à pourcentage égal et que le gouvernement ne peut y contribuer, « il risque de voir ses parts passer à 15% », relève Global Witness, qui met l’AMD en ligne. Autre déconvenue pour le pays ouest africain : son partenaire a l’opportunité de vendre à ses filiales le minerai qu’il va extraire à son prix, plutôt qu’à celui du marché. Car le Liberia n’a pas adopté les standards de l’OCDE, explique l’ONG britannique. Les royalties que le gouvernement devra toucher, si l’accord reste en l’état, n’en seront que plus faibles. A cela, il faut ajouter que Monrovia ne touchera aucun impôt, durant un minimum de cinq ans, en raison de la « tax holiday » qu’il a accordée à son partenaire.
Un accord en cours de renégociation
La chef de l’Etat avait annoncé en prenant ses fonctions, en janvier dernier, que tous les contrats signés par le gouvernement de transition allaient être revus. Les discussions qu’elle a entamées en septembre dernier avec Mittal, à New York, ont été interrompues et doivent reprendre ce mois-ci. Le consortium a commencé à réhabiliter ses infrastructures sur place, mais « ne veut rien entamer de majeur avant la fin des renégociations », explique l’enquêtrice de Global Witness.
Ses avantages, Mittal Still les a obtenus légalement. Global Witness fait d’ailleurs de l’accord signé entre le géant de la métallurgie et le Liberia un « cas d’école », dans la course que les multinationales mènent pour obtenir toujours plus d’avantages auprès de leurs partenaires. Le mois dernier, c’était le gouvernement tchadien qui réclamait une renégociation de ses contrats avec les géants pétroliers Petronas et Chevron. Mittal Steel, contacté par Afrik.com à Londres, n’a pas souhaité commenter le rapport de Global Witness.
Droits photo : Global Witness