Diverses manifestations de soutien ont eu lieu au Sénégal et dans d’autres pays ouest-africains pour obtenir la libération immédiate et sans condition du journaliste Madiambal Diagne. Le directeur de publication du journal Le Quoditien est incarcéré, depuis le 9 juillet dernier, pour « diffusion de correspondances et de rapports secrets » et « diffusion de nouvelles tendant à causer des troubles politiques graves ». La mobilisation vise également à faire abroger la loi qui l’a jeté en prison.
« La libération de Madiambal Diagne n’est pas seulement l’affaire des journalistes, mais celle de tout le peuple sénégalais ». C’est ce qu’à déclaré, samedi à Dakar, Malick Ndiayele, responsable du Comité d’initiatives des intellectuels sénégalais (CIIS), lors d’une manifestation de soutien au journaliste, incarcéré depuis le 9 juillet à la prison centrale de Dakar pour « diffusion de correspondances et de rapports secrets » et « diffusion de nouvelles tendant à causer des troubles politiques graves ». Le message du CIIS semble avoir eu de l’impact dans le pays, mais aussi en Afrique de l’Ouest, où quelques actions de soutien se sont déroulées. L’objectif est d’obtenir la libération immédiate et sans condition du directeur de publication du journal Le Quotidien. Et, à plus long terme, de faire abroger l’article 80 du code pénal, qui a débouché sur l’arrestation de l’homme de média.
Réaction immédiate
Ce qui a conduit Madiambal Diagne en prison, ce sont deux articles publiés le 23 juin et 5 juillet. Le premier contenait des « informations extraites d’un rapport partiel dressé par le ministre des Finances, à l’attention du Président, sur une enquête administrative concernant l’ancien directeur général des douanes, limogé vers la mi-mars », explique Mamadou Biaye, coordinateur de la rédaction du journal Le Quotidien. Quant au second, « il rendait compte de débats du Conseil supérieur de la magistrature, où il annonçait la tenue du prochain séminaire de l’Union des magistrats et leur intention de dénoncer la caporalisation du métier », poursuit le journaliste.
Les journalistes estiment que l’incarcération de Madiambal Diagne est un scandale et ne tardent pas à réagir. Le lendemain de l’arrestation, la plupart des journaux mettent en Une un éditorial commun : « Tous contre le monstre ». Le 12 juillet, le mouvement se radicalise avec une journée sans presse respectée, selon L’Humanité par 80% des quotidiens privés dakarois. Les journalistes entendent bien faire pression sur le gouvernement pour que leur confrère retrouve la liberté. Ils ont d’ores et déjà annoncé leur intention de ne plus couvrir les activités du gouvernement et des partis de la majorité. Au fur et à mesure, l’indignation grandit et gagne la société civile. Car les motifs d’arrestation sont jugés injustes, et même illégaux. « L’article de Madiambal Diagne n’a pas causé de troubles à l’ordre public. C’est son arrestation qui pousse les gens à manifester. Il est par ailleurs accusé de ‘diffusion de fausses nouvelles’, mais personne n’a expliqué en quoi il avait délivré des informations erronées », souligne Mamadou Biaye.
Législation paradoxale
Et Alpha Sall, secrétaire général du Syndicat national des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics), d’ajouter : « Le problème repose sur un paradoxe. L’article 80 du code pénal, qui date de l’époque du parti unique, considère en résumé les journalistes comme des bandits de grand chemin. En revanche, il existe une loi spécialement pour les journalistes qui leur impose de protéger leurs sources quoi qu’il advienne, même devant le procureur de la République. Par ailleurs, elle stipule que les journalistes doivent rendre toute information publique ».
La Justice ne semble pas avoir tenu compte de la législation, que certains jugent par ailleurs très avant-gardiste. « Le parquet a ouvert une information judiciaire et à demandé aux enquêteurs de l’entendre sur la source qui lui a fourni les documents. Ce qui au bout du compte revient à commettre une infraction à la loi », commente Mamadou Biaye, qui précise que le prisonnier refuse toujours de donner le nom de ses sources.
« Tous des Madiambal »
C’est pourquoi le combat a pris de l’ampleur. La majorité de la presse privée, les organisations de défense des droits de l’Homme, des éditeurs et syndicats de journalistes se sont regroupés pour formé, jeudi, le collectif des journalistes pour la libération de Madiambal Diagne et pour la liberté de la presse au Sénégal. Leur but : faire libérer, dans un premier temps, le journaliste emprisonné et obtenir l’abrogation de la partie de l’article 80 qui diabolise les journalistes. Pour beaucoup, il en va de la liberté de la presse dans le pays, déjà mise à mal par l’expulsion de Dakar, en octobre dernier, de la correspondante de la Radio France Internationale Sophie Malibeaux et le harcèlement de Latif Coulibaly, un journaliste sénégalais, auteur d’un livre polémique sur le régime du Président Abdoulaye Wade.
Pour preuve de la mobilisation, la manifestation d’entre 1 500 et 2 500 Sénégalais samedi matin à Dakar. Ils ont défilé pacifiquement de la place de l’Obélisque à la Maison de la radio, siège de la Radio télévision sénégalaise, avec des slogans tels que « Libérez Madiambal Diagne », « Un jour de prison c’est déjà trop », « Ma plume, ma liberté » ou encore, « Nous sommes tous des Madiambal ».
Mobilisation ouest-africaine et internationale
L’Ouest du continent n’est pas en reste. Au Mali, à l’appel de l’Union des journalistes de l’Afrique de l’Ouest (Ujao), plusieurs dizaines de journalistes maliens se sont rassemblées, vendredi dernier, devant l’ambassade du Sénégal, notamment pour exiger la libération de Madiambal Diagne. D’autres manifestations de ce genre pourraient être organisées dans la sous-région sous la houlette de l’Ujao. Madagascar et la Mauritanie ont également exprimé leur soutien au journaliste, ainsi que diverses associations internationales.
Les messages de soutien affluent aussi des Sénégalais de la diaspora. En France, la Coordination du Parti Socialiste du Sénégal a « exigé », ce week-end à Paris, la libération de Madiambal Diagne. « L’arrestation de Madiambal Diagne et son incarcération sont le fruit d`une volonté manifeste de la part du régime du président Abdoulaye Wade de museler la presse, d’empêcher tout esprit critique et toute information du peuple sénégalais », rapporte Pana.
Le gouvernement sous pression
Face à la montée de la grogne, le gouvernement semble plutôt conciliant. « Le premier ministre Macky Sall a accepté de rencontrer le collectif des éditeurs de presse. il a annoncé que le gouvernement était dans de bonne dispositions pour favoriser un apaisement de la situation. Il va voir avec le parquet comment améliorer la situation », explique Mamadou Biaye. Le collectif n’a pas relâché la pression et a poursuivi son action lundi en faisant un sit-in devant le ministère de l’Information. Sit-in qui s’est soldé par une rencontre avec le ministre auquel a été remis un dossier. « Il contient notre demande de libération de Madiambal Diagne et un rappel de ce que la loi dit pour les journalistes concernant leur devoir d’information et la protection de leurs sources », précise Alpha Sall, également coordinateur du collectif des journalistes.
Les avocats du journalistes sont à pied d’œuvre. Ils ont déposé, vendredi à la doyenne des juges d’instruction de Dakar, une demande de mise en liberté provisoire. Si la requête était acceptée, l’homme pourrait recouvrer la liberté dès ce mercredi. En attendant la réponse, Madiambal Diagne fait savoir de sa cellule, selon L’Humanité, que « les tenants du pouvoir n’ont pas réussi à [le] museler ».