D’ici à 2050, la croissance démographique devrait se traduire par l’augmentation de 70 % de la demande mondiale de denrées alimentaires. Ajoutons à cela une baisse de 27 % de la productivité mondiale suite aux changements climatiques, et il apparaît clairement que la demande de production agroalimentaire revêtira une importance de plus en plus critique dans les dizaines d’années à venir. Les pays qui dépendent de l’agriculture pluviale se révéleront particulièrement vulnérables.
La modélisation des cultures pour l’Afrique subsaharienne indique qu’en 2050 le rendement moyen du riz, du blé et du maïs affichera une baisse pouvant atteindre respectivement 14 %, 22 % et 5 %.
Pour autant, quelques rayons d’espoir éclairent l’échéance de 2050. Le potentiel de l’agriculture en Afrique est considérable. Les pays africains peuvent mettre leur expérience, leurs connaissances autochtones et les méthodes traditionnelles, ainsi que les nombreux talents de leur population, au service de l’adoption et de l’adaptation des percées scientifiques dans le domaine des nouvelles technologies.
L’accroissement des investissements dans la science et la technologie constitue un levier essentiel au relèvement de la productivité agricole. Une leçon importante de la « révolution verte » des années 1960, c’est que la recherche agricole peut donner un coup de fouet à la croissance de la filière agricole. Les pays qui ont simultanément adopté la technologie et accru leurs investissements dans la recherche agricole ont maintenu, voire accéléré, leur taux de productivité et de croissance. Les nouvelles technologies, telles la biotechnologie, les pratiques aratoires propices à la conservation du sol, l’irrigation au goutte-à-goutte, la gestion intégrée des ravageurs des cultures et la polyculture, ont rehaussé l’efficience et la productivité des ressources agricoles au cours des dix dernières années. À travers le monde, quelque 14 millions de petits cultivateurs de pays en développement, aux moyens limités, ont déjà tiré parti des produits issus de la biotechnologie.
Selon une enquête menée en 2008 sur les répercussions mondiales de la biotechnologie dans l’agriculture, les avantages économiques nets dont ont bénéficié les agriculteurs à l’échelle mondiale se chiffraient à 9,2 milliards de dollars, répartis de manière plus ou moins égale entre les pays développés et les pays en développement. En Afrique du Sud, par exemple, la culture de variétés transgéniques de maïs, de soja et de coton serait à l’origine d’une hausse de 383 millions de dollars du revenu des agriculteurs. Dans d’autres régions du monde, la technologie a changé la vie des cultivateurs dont le revenu a augmenté en l’espace de quelques années. En Inde, selon des estimations prudentes portant sur l’agriculture à petite échelle, le recours au coton transgénique a permis d’accroître le rendement de 31 %, de diminuer l’épandage d’insecticides de 39 % et d’augmenter la rentabilité de 88 %, soit l’équivalent de 250 dollars par hectare. Avec l’introduction de variétés améliorées, tels le maïs xérophile et les bananes résistantes aux maladies, ceux qui ont pavé la voie à la technologie récolteront encore d’autres avantages économiques.
Des chercheurs africains travaillent déjà à la prochaine génération de variétés transgéniques destinées à avantager les agriculteurs, par exemple la résistance à la sécheresse, une meilleure fixation de l’azote et la tolérance au sel, permettant de mieux faire face à l’évolution de l’environnement due aux changements climatiques. Cependant, les produits biotechnologiques de la deuxième génération n’avantageront pas que les producteurs : on travaille actuellement à la mise au point de variétés telles que le manioc et le riz à plus forte teneur en vitamines, en minéraux et en protéines, ce qui profitera également au consommateur.
Ainsi, nous savons ce que peut faire la technologie. La question est de savoir les raisons qui en ont privé jusqu’ici ceux qui auraient dû en bénéficier. Dans bien des cas, ce sont des renseignements erronés qui suscitent les craintes que leur inspirent tel ou tel processus et ses produits. Mais le véritable obstacle, c’est l’absence de mécanismes de réglementation qui permettent aux pays d’arriver à leurs propres conclusions quant à la sécurité de ces produits. La sécurité des variétés issues de la biotechnologie a été évaluée pour toutes les régions du monde – de l’Union européenne au Japon en passant par le Brésil et le Burkina Faso. Refuser d’adopter la biotechnologie sur la base d’arguments infondés, après plus de 15 ans d’exploitation et d’avantages démontrés, c’est restreindre inutilement le potentiel de production de l’agriculteur africain. La biotechnologie est l’un des outils qui, associés aux incitations appropriées, pourront permettre aux agriculteurs et aux entreprises d’Afrique de combler le fossé de la productivité.
Mais ces incitations doivent s’appuyer sur une volonté politique. La technologie n’est pas à elle seule la solution. Si l’on veut exploiter les possibilités de la biotechnologie, il faudra créer des mécanismes de régulation scientifiquement fondés. J’invite ceux qui ont la capacité de le faire à mettre en place de tels mécanismes basés sur la science et à tirer pleinement parti de ce que les investissements en agronomie et en technologie peuvent faire pour les agriculteurs et pour les économies du continent africain.
Plusieurs États d’Afrique ont déjà adopté la politique et le cadre réglementaire nécessaires pour promouvoir la biotechnologie de manière sûre et responsable. J’applaudis à leur courage et à leur perspicacité. Forts d’une volonté politique accrue, d’un solide appui à la recherche, et de règles de biosécurité qui autorisent le recours à la technologie, les pays d’Afrique pourront révolutionner leur secteur agricole. Qui plus est, ils pourront regarder droit dans les yeux ceux qui maintiennent que la biotechnologie est une cause perdante pour les marchés et leur demander d’expliquer comment il se fait que les économies qui progressent dans le monde sont précisément celles qui développent et qui exploitent la biotechnologie.
En guise de réponse à ceux qui craignent le monopole et l’appropriation par des multinationales de leur production alimentaire, je les invite à promouvoir la concurrence au lieu d’étouffer l’innovation. Il est clair que la croissance économique appartiendra aux pays qui innoveront dans le secteur agricole et qui puiseront en eux-mêmes la confiance nécessaire pour investir dans leur agriculture, c’est-à-dire dans leur avenir.