L’arrestation d’Amani Tidjani inquiète les personnalités béninoises impliquées dans les affaires du contrebandier nigérien. Si son pays natal ne souhaite pas l’extradition de son ressortissant, le Nigeria veut la tête de celui qui a braqué la voiture de la fille du Président Obasanjo. Un ballet diplomatique à haut risque.
Amani Tidjani, un prisonnier embarrassant. L’arrestation du Nigérien, qui excelle depuis des années dans le vol et le recel de voitures luxueuses, la contrefaçon de documents officiels et la contrebande, inquiète les plus hautes autorités béninoises. Appréhendé le 12 septembre dernier à Bamako (Mali), avant d’être extradé vers Cotonou (Bénin), il pourrait révéler les noms d’hommes d’affaires et de personnalités politiques avec lesquelles il a traité. Mais le bandit ne circonscrivait pas ses affaires douteuses au Bénin. « L’homme chic » opérait dans tout le golfe de Guinée. Et au Nigeria, où il a commis une grave erreur : celle de braquer le véhicule de la fille du Président Olusegun Obasanjo. De quoi piquer au vif le leader nigérian, qui a momentanément fermé la frontière avec son voisin béninois en août dernier. Un geste fort qui a provoqué une crise diplomatique.
Abuja se démène pour que le criminel soit déféré devant ses juges. Mais elle devra attendre les conclusions de la commission d’enquête actuellement menée par Cotonou. L’organe est chargé de déterminer quels sont les aides dont a bénéficié Tidjani lors de ses exactions. Les investigations promettent d’être longues, mais riches en révélations. Des officiers de police, des députés ou encore la secrétaire du ministre de l’Intérieur Daniel Lawema ont déjà été entendus. Le chef de bande nigérien est quant à lui confiné depuis son extradition dans le Petit Palais de Cotonou, repère des services de renseignements. « Tidjani y avait été extradé du Mali, où il planifiait son départ vers l’Europe », explique-t-on au ministère de l’Intérieur béninois. C’est l’un de ses acolytes basé au Bénin, sensé lui transmettre l’argent devant financer son départ, qui a confondu le chef de bande réputé intouchable.
Gentleman braqueur
Intouchable, parce qu’il connaissait du beau monde et qu’il a su se rendre incontournable. Ce même beau monde qui lui a permis d’acquérir un passeport béninois ou encore un permis de port d’armes. D’autres contacts, notamment dans la police, l’auraient aidé à sortir incognito du Bénin lorsqu’il a voulu se rendre au Mali. Le malfrat savait se montrer généreux. Il aurait récemment accordé un prêt de 80 millions de FCFA à un député béninois et conviait le gratin à danser le n’dombolo dans sa propriété cossue et sur-protégée. Le chanteur Koffi Olomidé aurait même donné un concert chez lui.
Amani Tidjani n’est pas si intouchable que ça, toutefois. Il a déjà connu plusieurs fois la prison. Au Niger, puis au Bénin, où il vit depuis une dizaine d’années. C’est sa deuxième arrestation sur le territoire béninois qui a mis en perspective l’étendue de son influence. Il avait arrêté puis relâché au bout de deux jours. Motif évoqué par la justice : manque de preuves. Ailleurs, on évoque plutôt un échange de bons procédés. Certains journaux avancent que l’étroitesse des liens entre le chef de l’Etat Mathieu Kérékou et celui qui se qualifie d’homme d’affaires aurait été à l’origine de sa libération.
Pas touche à ma fille !
En raison de la tournure diplomatique qu’a prise l’affaire Tidjani, c’est justement le Président qui interroge l’escroc, indique-t-on au ministère de l’Intérieur. Si la relation entre les deux hommes était avérée, l’entretien au Petit Palais de Cotonou pourrait se transformer en tractations pour protéger les personnalités qui ont trempé dans les magouilles du Nigérien. Et « L’homme chic » pourrait en profiter pour sauver sa peau.
Une réunion tripartite, entre le Niger, le Bénin et le Nigeria, serait prévue pour régler l’incident diplomatique. Mais la réunion risque plutôt d’être bipartite. « Le Niger n’a pas exprimé le désir de recevoir Tidjani, car depuis sa condamnation il n’a plus commis de crimes sur le territoire», explique le média nigérien Radio Alternative. Les implications de cette position sont cruciales. Le droit international stipule qu’un criminel ne peut être extradé que vers son pays d’origine. Comme Tidjani est considéré blanc comme neige au Niger, il risque d’échapper à toute inculpation. C’est pourquoi Abuja fera certainement pression sur Cotonou et Niamey pour qu’Amani soit jugé en terre nigériane.
Epée de Damoclès
Le Bénin pourrait bien aller dans le sens du Nigeria. « Le ministre de la Culture et de la Communication Gaston Zossou a déclaré que toutes les personnes qui sont impliquées dans les trafics de Tidjane seront jugées », souligne Radio Alternative. Et d’ajouter que cette annonce serait le moyen pour le Président Kérékou de finir son mandat en beauté. Pour Olusegun Obasanjo, il s’agit de laver l’affront fait à l’un des membres de sa famille. « Dès que les investigations seront terminées au Bénin, nous mettrons tout en œuvre pour juger Tidjani ici », affirme-t-on au ministère des Affaires Etrangères nigérian. Si Tidjani a des contacts influents au Nigeria, c’est le moment de les solliciter.
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