Lettre ouverte aux Ivoiriens et à tous les amis du peuple Bidjan


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Abidjan Cote d'Ivoire
Abidjan Cote d'Ivoire

Avant notre extinction, sachez que hier encore, c’était la colonisation française. Les colons, en 1893, avaient exproprié notre terre sous les menaces de leurs armes et avec d’autres méthodes abjectes. Avec l’indépendance en 1960, la spoliation des biens et terres s’est poursuivie avec Houphouët-Boigny, Yacé Philippe Konan Bédié, Gadié Pierre, Konan Kanga et tous les barons du parti PDCI-RDA. Aujourd’hui c’est au tour du président Gbagbo, ses amis politiques et tous les partis d’opposition qui s’acharnent sur la carcasse et la dépouille de ce qu’il reste comme patrimoine foncier à la tribu Bidjan.

Avant notre extinction, sachez qu’Abidjan, capitale de la Côte d’Ivoire, est tout d’abord un gros village appartenant aux Bidjans et divisé en sept quartiers. Au sud, notre patrimoine foncier commence à la frontière de Moossou chez les Abourés, à la lisière de Abrebi chez les Alladjans de Jacqueville. A l’est avec Bingerville, à l’ouest avec Youpougon et au nord avec Abobo.

Ainsi la capitale de la Côte d’Ivoire est bâtie dans le village des Bidjans et non chez tous les Atchans. Voilà la vérité historique que les politiciens essaient de vous cacher. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire, qui s’enorgueillit à l’étranger d’être un pays hospitalier et riche, est un cauchemar pour les peuples du Sud.

Avant notre extinction, sachez que le peuple Bidjan, jadis si fort et fier, est en train de périr étouffé sous le pouvoir et les intérêts commerciaux et privés, tant au niveau national, qu’international.

Avant l’extinction de la tribu Bidjan, les vrais dépositaires du patrimoine foncier à Abidjan en Côte d’Ivoire, que l’humanité entière entende notre dernier souffle d’agonie. Car les Bidjans ne se laisseront pas éliminer en silence, n’ayez aucun doute là-dessus.

Avant notre extinction, sachez qu’en Côte d’Ivoire, il y a une politique de ségrégation à l’égard du peuple Atchan en général et de la tribu Bidjan en particulier, sans doute parce que ce peuple a le malheur d’être l’occupant légitime des terres qui ont servi à l’implantation de la capitale du pays. Sur cette terre qui nous appartient, le port d’Abidjan produit 90% des recettes douanières du pays, des milliers de milliards de francs CFA dans la caisse de l’Etat ivoirien.
70 à 75% des sociétés industrielles, des banques et des grands commerces sont installés sur le patrimoine foncier de notre tribu, qu’on laisse par ailleurs mourir de faim et de mauvaise santé. Tous les régimes successifs, y compris celui de l’actuel président Gbagbo, ont totalement exclu notre tribu de cette manne financière colossale.
Avant notre extinction, sachez que, pour pouvoir mieux exclure les Bidjans de la gestion de leur propre territoire, les pouvoirs politiques ont dressé les ethnies les unes contre les autres. Ils ont créé des pseudo ethnies majoritaires ( les Baoulés, les Bétés et les Djoulas ) qui détiennent aujourd’hui tous les hauts postes dans l’appareil de l’Etat et qui donc captent toutes les ressources à leur profit.

Malgré les arguments et les preuves irréfutables que nous avons donné au ministère de la construction au service juridique et contentieux, le président Gbagbo s’obstine à dépouiller les Bidjans de leur île ( l’île Boulay) et de leur cordon littoral, sans oublier les différents lacs à Vridi qu’exploitent les raffineries de pétrole – la SIR siphonne près de cinq millions de litres d’eau par jour du lac M’bakrè pour entretenir leurs installations sans égard pour les populations autochtones que nous sommes.

Représentants marionnettes

Avant notre extinction, sachez que nous n’accepterons plus d’être écartés comme des lépreux, parqués comme des bestiaux dans des taudis et des ghettos sans eau courante, dans la violence, étrangers sur notre propre terre, sans pouvoir même gérer notre propre commune ou la représenter à l’assemblée nationale. Dans la réalité, les maires, les députés et les conseillers généraux qui nous « représentent » ne sont que des marionnettes installées pour permettre à leur chef de parti d’avoir une influence à Abidjan.
Aucun peuple n’accepterait d’être gouverné par des étrangers alors que les maires et les députés élus dans les huit communes d’Abidjan ne parlent même pas notre langue et ne connaissent ni nos traditions, ni nos coutumes.

Avant notre extinction, sachez qu’après avoir pillé une grande partie de nos terres, pollué la lagune qui avait fait de nous un grand peuple de pêcheurs, après avoir imposé les grues et les bulldozers sur notre île Boulay, voilà qu’ils s’en prennent à Locodjro, le symbole même du peuple Bidjan et de sa résistance.

En plus du symbole historique et coutumier que représente Locodjro, il faut savoir, que privés de tout moyen de subsistance, les quelques 2500 habitants sont piégés dans un ghetto d’un quart de kilomètre carré qui jouxte un territoire, de la même superficie, qui leur appartient et qui vient d’être mis en vente sur internet ( en bordure de la lagune, idéal pour constructions immobilières, prix : nous consulter ) par l’un des hommes les plus puissants et corrompus du pays.

Avant notre extinction, sachez que nous réagirons. Mais comment ? Le 14 août dernier les mandataires de notre peuple ont rencontré des membres de la délégation de la Commission européenne à Abidjan. Après avoir refusé de nous laisser saisir l’événement sur support audiovisuel, la délégation européenne a réagi au viol que nous lui avions présenté en nous renvoyant à la justice ivoirienne et en nous faisant comprendre qu’il serait très difficile de recouvrer notre dignité. En somme, elle nous a dit que puisque la dignité qu’elle même nous a prise est à jamais perdue, nous devrions au moins nous laisser étouffer dignement par le régime corrompu ivoirien.

Avant notre extinction, sachez que le peuple Bidjan est le seul groupe ethnique qui peut recourir aux armes et à la violence pour revendiquer ses droits. Mais contrairement aux ethnies du nord, nous, Bidjans, nous respectons la vie humaine, nous aimons notre prochain et nous avons toujours évité de recourir à la violence.

Nous pensons que la fin de notre marginalisation réside dans l’arène politique : nous faire élire maire, député et certainement un jour président. C’est pourquoi, nous demandons aux personnes de bonne volonté, aux sociétés, aux ONG, aux financiers, aux politiques et aux simples citoyens de nous soutenir dans nos efforts pour recouvrer nos terres et enfin avoir le droit de nous épanouir en participant, comme tout un chacun, à la vie économique, politique, sociale et culturelle de notre pays.

Soyez certains toutefois que nous mettrons tout en oeuvre pour empêcher l’extinction du peuple Bidjan – envers et contre les intérêts privés des puissances politiques et financières.

Par Ahouo Koutouan

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