Le docteur Alphonse Louma, cadre de l’ex-Union Nationale et président de l’ONG ‘’Agir pour le Gabon’’ a écrit au président américain, Barack Obama qui recevait jeudi son homologue Gabonais, Ali Bongo Ondimba. Dans cette lettre que nous publions in extenso, M. Louma demande au président américain d’œuvrer pour l’instauration d’une véritable démocratie au Gabon, après avoir dressé un tableau sombre de la situation politique dans le pays.
Monsieur Barack Obama,
Président des Etats-Unis d’Amérique, Washington, DC
Le 9 juin 2011, vous allez recevoir monsieur Ali Bongo, président du Gabon. Je voudrais, à cette occasion, vous inviter à relire le télégramme enregistré sous le numéro 1473 et daté de novembre 2009. Dans ce câble, l’ambassadeur des Etats-Unis en France, monsieur Charles Rivkin informait madame la Secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, que lors de l’élection présidentielle anticipée d’août 2009, monsieur Ali Bongo avait «inversé le décompte des voix et s’était déclaré président du Gabon».
Ancien ministre de la Défense, Ali Bongo succédait ainsi à son père, Omar Bongo, qui avait dirigé le Gabon pendant 42 ans, jusqu’à sa mort, en juin 2009.
Voyant s’évaporer tout espoir de changement démocratique dans leur pays, de nombreux Gabonais sont descendus dans les rues pour protester contre ce qu’ils considéraient comme un coup d’état électoral. La riposte de l’armée fut brutale et terrible : au moins 15 personnes tuées, sans compter les dizaines de blessés que les militaires traquaient jusque dans les hôpitaux. Tout cela a été tu, et aucune enquête officielle n’a été ouverte. Dans le silence et l’indifférence totale de la communauté internationale, des hommes et des femmes ont été martyrisés pour avoir voulu vivre dans une société de justice et de démocratie.
«Personne ne veut vivre dans une société où la règle de droit cède la place à la règle de brutalité et au gangstérisme. Cela n’est pas de la démocratie, c’est de la tyrannie, y compris même si vous y mettez une élection.» Cette phrase, extraite de votre discours d’Accra (11/07/09), est encore présente dans nos esprits, et pourtant, il y a comme une dissonance entre ces propos pleins d’espérance et la realpolitik qui conduit les Etats-Unis à s’afficher avec des régimes infréquentables. Et celui de monsieur Ali Bongo en fait partie.
Aussi, Monsieur le Président, au moment où vous recevrez monsieur Ali Bongo dans ce sanctuaire des valeurs universelles de la démocratie qu’est la Maison Blanche, il serait utile que vous sachiez que votre hôte, depuis qu’il a pris le pouvoir en septembre 2009, a installé au Gabon un modèle de société rétrograde, caractérisé, entre autre, par :
la dissolution du 1er parti politique de l’opposition (L’Union Nationale),
l’interdiction de voyager à l’étranger pour certains leaders de l’opposition, particulièrement pour monsieur André Mba Obame dont l’état de santé est source d’inquiétude,
les humiliations et persécutions répétées des adversaires politiques,
le musellement des médias et des syndicats,
l’utilisation systématique de l’armée pour interdire ou réprimer toute manifestation pacifique des citoyens,
les interférences régulières des autorités politiques dans les affaires judiciaires.
Dans son dernier rapport publié le 16/05/11 et relatif à l’état de la Liberté dans le monde, le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (UNHCR) confirme ce douloureux constat : «le Gabon n’est pas une démocratie électorale». Et c’est avec le dirigeant aux pouvoirs exorbitants de ce «pays sans liberté» que vous allez vous entretenir. Nous espérons que vous en profiterez, Monsieur le Président, pour lui rappeler que pas plus que le Gabon, «L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, elle a besoin d’institutions fortes.»
A Accra, vous nous avez promis le changement et l’espoir. Et pour que la réalité ne les consume pas insidieusement, nous n’aurons de cesse, jour après jour, de rappeler les Etats-Unis à cet engagement capital : «soutenir ceux qui agissent de manière responsable et isoler ceux qui ne le font pas».
En espérant que notre message aura retenu votre attention,
Nous vous adressons, Monsieur le Président, nos salutations distinguées.
Le 8 juin 2011,
Dr Alphonse Louma Eyougha,
Président de l’ONG «Agir pour le Gabon».