Les critiques s’accumulent autour de la construction d’un oléoduc de 1 070 km entre le Cameroun et le Tchad. Au sein même de la Banque mondiale, une commission indépendante émet des doutes quant aux retombées économiques pour la population des pays concernés.
Avant le pétrole, c’est l’encre qui coule à flot sur le projet Doba. L’oléoduc de 1 070 km entre le Tchad et le Cameroun apparaît de plus en plus aux yeux des observateurs comme un chantier critiquable. Au sein même de la Banque mondiale (BM), les critiques fusent. Une commission d’enquête indépendante (Inspection Panel) vient de rendre sa copie. Pourtant nuancé, le rapport regrette le manque de garanties quant aux retombées économiques pour les pays concernés.
La Société financière internationale (SFI), l’une des antennes de la BM, a consenti à un prêt de 200 millions de dollars pour le projet, tandis que la BM elle-même a avancé un peu moins de 100 millions de dollars. Même si le secteur privé (ExxonMobile, Petronas et Chevron) reste le principal actionnaire – finançant le pipeline à hauteur de 3 milliards de dollars pour un coût total de 3,7 milliards – rien n’aurait été possible sans le bailleur de fonds international. Mais les justifications de la BM pour sa participation à la construction de l’oléoduc sont de plus en plus soumises à caution.
Intentions louables
Le rapport de l’Inspection Panel met l’accent sur trois points : les retombées économiques du projet, l’impact sur la réduction de la pauvreté et la capacité de suivi et de supervision de la Banque mondiale. Sur ce dernier volet, la commission émet de sérieux doutes. 80% des revenus dégagés par le Tchad grâce à l’oléoduc devraient être consacrés à la santé, à l’éducation, au développement rural à l’infrastructure, à l’environnement et à l’eau, tandis que 5% sont censé échoir à la population locale expropriée pour la construction des puits et du pipeline. Autant d’intentions louables dont la réalisation est dépourvue de garanties.
La BM a cependant confirmé, jeudi dernier, sa décision de participer au projet. Selon ses estimations, l’oléoduc devrait augmenter les revenus du Tchad de 45 à 50% par an à partir de 2004 et fournir des emplois à 3 600 Tchadiens et près de 6 000 Camerounais. Plusieurs Ong et syndicats, notamment côté camerounais, se préparent déjà à ressaisir la commission Panel pour une nouvelle inspection critique.