Les victimes africaines des incendies de Paris se sentent délaissées


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Les victimes des incendies en série qui ont frappé la communauté africaine de Paris, en 2005, causant la mort de 52 personnes, ont le sentiment que l’Etat n’a pas pris la mesure de leurs souffrances. Deux ans après, elles n’ont toujours pas été entendues par la justice.

52 personnes dont 33 enfants ont péri en 2005 dans les incendies qui ont frappé l’hôtel Paris-Opéra (15 avril) et deux bâtiments situés dans la rue Vincent Auriol (26 août) et la rue du Roi doré (30 août), à Paris. Pour la majorité d’entre elles, il s’agissait de familles originaires d’Afrique de l’Ouest, certaines en situation irrégulière. Deux ans après, les victimes des trois drames se sont associées pour dire leur sentiment d’avoir été abandonnées par l’Etat.

Les anciens locataires de Vincent Auriol « étaient toutes en attente de relogement depuis des dizaines d’années et en situation régulière. Elles ont été laissées dans leur situation précaire », explique Micheline Unger, de l’association Droit au logement (DAL). « Les victimes de Paris-Opéra ont été relogées et ont obtenu des titres de séjour de dix ans, une personne étant toujours hospitalisée. Quant à celles du Roi Doré, elles ont obtenu des titres de séjour et les trois quarts d’entre elles ont été relogées », poursuit la militante du DAL.

Traumatisées mais menacées

Des résultats ont donc été obtenus, mais au prix d’une lutte sans merci, regrettent les associations. Alors qu’ils étaient encore traumatisés, les survivants de Paris-Opéra ont dû occuper l’organisme de la Ville de Paris qui les logeait, en juillet 2005, « uniquement pour obtenir un rendez-vous et clarifier leur situation », se souvient Aomar Ikhlef. Porte-parole de l’association de Paris-Opéra, il a perdu sa nièce et le mari de cette dernière dans l’incendie et pris leurs deux enfants sous sa tutelle. Par la suite, la préfecture a failli revenir sur sa promesse d’« étudier avec bienveillance » les demandes de titres de séjours de dix ans effectuées par les victimes, avant de céder sous la pression.

Un parcours du combattant qui laisse penser aux familles que les autorités n’ont pas pris la mesure de leurs souffrances. Elles regrettent ainsi qu’aucun service de soutien psychologique aux victimes de catastrophe ne leur ait été proposé. Une association a bien été envoyée dans les hôtels afin de s’entretenir avec les victimes de l’incendie Paris-Opéra, mais Aomar Ikhlef l’a jugée inappropriée et inefficace au regard du drame vécu. « On a eu l’impression d’une politique de deux poids deux mesures », confirme Micheline Unger.

Aucune victime n’a encore été entendue par la justice

Les associations regrettent également que l’ambassade de France en Côte d’Ivoire freine la venue des enfants de deux pères qui ont perdu leurs femmes et plusieurs de leurs enfants déjà en France dans l’incendie de Paris-Opéra. De la même façon, l’Etat refuse la naturalisation de deux orphelins gravement blessés, récupérés par leur oncle, et qui vont nécessiter des soins durant de nombreuses années. « Ils n’ont aucune liberté de circulation et ne peuvent donc pas rentrer dans leur pays d’origine, voir leur famille, de crainte de ne pouvoir revenir en France. »

Mais « ma plus grande colère, explique Aomar Ikhlef, concerne le mépris – on suppose qu’il s’agit de cela – des autorités judiciaires. Une enquête policière a eu lieu, une instruction judiciaire doit être en cours, mais aucune victime n’a été entendue par les juges. Nous ne comprenons pas pourquoi ils n’ont pas un mot pour les victimes, au moins pour reconnaître leur statut. Il ne s’agit pas seulement de la responsabilité des incendiaires, mais aussi, probablement, de la mise en cause d’organismes publiques, du Samu social, qui a parqué des gens dans des lieux surpeuplés, et sous la responsabilité de gérants d’hôtel à la moralité pas toujours évidente… »

Les associations des victimes appellent à manifester dimanche 15 avril 2007 à 15 h 00, métro Pigalle, Paris

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