Les TV arabes dans la cour des grandes


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La couverture du dernier numéro de Respect Magazines

CNN n’a plus le monopole de l’info! Depuis les attentats du 11 septembre et les bombardements en Afghanistan, les chaînes arabes pèsent lourd dans le paysage audiovisuel mondial. Bien qu’estampillées «islamistes», elles ont introduit une liberté d’expression sur les antennes du Proche et du Moyen-Orient.

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1990-1991: première guerre du Golfe, après l’invasion du Koweït par l’Irak. Le monde entier suit la progression du conflit via les seules images des networks américains.

2002 : début d’une nouvelle guerre, contre l’Irak. Mais entre-temps, plusieurs télévisions arabes ont vu le jour, notamment Al-Jazira au Qatar, en 1996, et Al-Arabiya en Arabie Saoudite. Plus surprenant: la notoriété de ces chaînes dépasse largement la péninsule arabique.

Devenue mondialement célèbre depuis qu’elle diffuse les messages d’Oussama Ben Laden, Al-Jazira est aussi la première chaîne à avoir donné la parole à des opposants tunisiens, à des Sahraouis interdits d’antenne au Maroc, ou encore à des consommateurs de kat, une drogue très prisée au Yémen. Bref, un média qui met les pieds dans le plat. Dans son dernier ouvrage, la politologue Olfa Lamloum explique que cette chaîne est issue de deux volontés : « celle d’un petit état cherchant à se constituer une niche distinctive régionale », et « celle de journalistes arabes souhaitant relancer l’expérience d’une télé affranchie de la tutelle de l’Arabie Saoudite et des autres régimes autoritaires de la région ». Petit émirat rentier du pétrole sans réel poids politique, le Qatar s’est donc doté d’une arme moderne : l’opinion. Au prix d’une certaine liberté éditoriale pour l’équipe d’Al-Jazira, 450 journalistes de quinze nationalités différentes. Résultat paradoxal a priori : des acteurs politiques souvent marginalisés dans leur pays d’origine débattent à l’antenne… de quoi donner des sueurs froides à plus d’un gouvernement arabe.

Incontournable du paysage audiovisuel mondial

Et ça n’est pas tout. La chaîne joue également à fond la carte du ressentiment régional contre les États-Unis. D’après le quotidien égyptien Al-Ahram, les vidéos de Ben Laden symbolisent « le défi à l’Occident ». Le public adhère en masse. Selon une enquête de l’institut britannique Spotbeam Communications Ltd, avec 35 millions de téléspectateurs, Al-Jazira surclasse ses concurrentes : Al-Arabiya tout d’abord, la rivale saoudienne, elle aussi dédiée à l’information non-stop, et Al-Manar, chaîne appartenant au parti chiite libanais Hezbollah, proche de l’Iran, qui est distanciée de très loin. Aux Etats-Unis, on n’ignore plus le poids de ces télévisions. Exemple en juillet 2003 : l’armée américaine annonce avoir tué les deux fils de Saddam Hussein, mais la rumeur persistante dément l’information. Les GI’s n’ont alors d’autre alternative que de laisser Al-Jazira filmer les corps, au risque de noircir un peu plus encore leur image.

Ce qui distingue ces chaînes les unes des autres? Réponse de Mourad Chebbine, rédacteur en chef d’Abu Dhabi TV, télévision basée dans l’émirat du même nom : «Quand on évoque le conflit en Irak, Al-Jazira parle de résistance, Al-Arabiya de terrorisme, quant à nous, nous préférons rester neutres et parler de guérilla ». Abu Dhabi TV a d’ailleurs adopté une grille généraliste, et Mourad Chebbine de poursuivre: « Il n’est pas honnête pour un journaliste ou une chaîne de mettre l’accent sur des sentiments populistes ». En rupture avec la surpolitisation ambiante, Abu Dhabi TV préfère se concentrer sur des sujets de société tabous comme la drogue, l’homosexualité, l’environnement ou les droits des minorités linguistiques.

Rezki Mammar

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