Du jamais vu depuis la création de Facebook ! Des milliers d’internautes tunisiens envahissent depuis dimanche les pages officielles des présidents Sarkozy et Obama.
Comme un genre de rendez-vous du dimanche, des milliers de Tunisiens ont décidé de se retrouver sur les pages Facebook du président français, Nicolas Sarkozy, et du président américain, Barack Obama. Une promenade qui s’est finalement avérée un peu trop envahissante. En effet, des milliers de commentaires négatifs ont été postés sur les pages fans des deux présidents au point que celles-ci aient été suspendues un moment. En cause du coté américain, les brutalités policières qu’ont subi des manifestants à Oakland, une banlieue de San Francisco en Californie.
En solidarité avec le peuple américain et le mouvement « Occupay Wall Street », apparu au Etats-Unis au début du mois d’octobre, ces internautes ont trôllé la page Facebook d’Obama en y laissant des commentaires inspirés des faits et anecdotes de la révolution tunisienne. Les revendications ne sont pas tout à fait les mêmes, mais la ressemblance des slogans d’Occupay Wall Street avec ceux de la révolution du Jasmin est frappante. Et c’est non sans humour que ces milliers de tunisiens ont commenté la page fan d’Obama, avec plus de 120 000 post en moins de 24h. D’autres en ont profité pour dénoncer l’ingérence des deux dirigeants dans les affaires internes de la Tunisie.
La page officielle de Nicolas Sarkozy n’a pas non plus été épargnée. Il lui est surtout reproché de ne pas avoir envoyé de félicitations après la victoire du parti Ennahda, élu démocratiquement avec 41,47% des suffrages. Au lieu des « félicitations » attendues, le président français a préféré « rappelé que la France serait vigilante sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, notamment la diversité culturelle et religieuse et l’égalité des hommes et des femmes ». Pourtant, la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, et la Commission européenne avaient félicités le parti Ennahda pour être arrivé en tête des élections à l’assemblée constituante. L’aide de l’Union européenne sur la voie de la démocratie et de la liberté a même été promise.
« Nous saluons les candidats et les partis qui ont pris part à ce processus démocratique. Nous félicitons également le parti Ennahda, qui a recueilli le plus grand nombre de voix », ont déclaré conjointement, au lendemain de la victoire d’Ennahda, Mme Ashton et le commissaire en charge des relations avec les pays voisins de l’UE, Stefan Füle, dans un communiqué. Ils se sont réjouis de la participation des Tunisiens aux premières élections libre et ont regretté « les affrontements survenus lors de l’annonce des résultats préliminaire » et ont à cette occasion appelé « au calme et à la retenue ».
Par ailleurs, les pages de la chaîne qatarie, Al Jazeera, ont elles aussi fait l’objet d’une insurrection virtuelle en raison de ses affinités supposées avec les gouvernements américain et israélien. Le groupe a dû désactiver momentanément ses pages afin de calmer le raz-de-marée.
« Nous n’avons pas besoin d’une telle parole pour respecter les droits de l’homme »
En réponse aux déclarations de Nicolas Sarkozy et du ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé (il avait déclaré que « les aides de la France seraient conditionnées à la question des droits de l’homme »), le patron d’Ennahda, Rached Gahannouchi, a déclaré le 28 octobre dans les colonnes du quotidien Le Monde : « Nous n’avons pas besoin d’une telle parole pour respecter les droits de l’homme. Cela fait partie de nos valeurs et de notre religion, et les Tunisiens n’acceptent pas les aides conditionnées. Dans les accords entre Ben Ali et l’Union européenne figurait le respect des droits de l’homme, mais l’Europe a fermé les yeux. Nous souhaitons qu’elle les garde désormais bien ouverts… »
La France, bien moins vigilante du temps de Ben Ali, est-elle encore une fois la dernière à soutenir l’avancée démocratique de la Tunisie ? Déjà, l’ancienne ministre française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, avait proposé le 11 janvier, trois jours avant la chute de Ben Ali, l’aide des forces françaises pour « régler des situations sécuritaires de ce type ». La révolution du Jasmin n’était, selon elle, qu’un problème sécuritaire que Paris pouvait résoudre.
Rappelons également l’incident diplomatique qu’a déclenché l’ambassadeur de France en Tunisie, Boris Boillon, peu après la fuite de Ben Ali. Fraîchement arrivé à Tunis, le jeune ambassadeur s’était comporté de manière abrupte lors de sa première rencontre avec les journalistes tunisiens. Il avait traité de « débiles » les questions qui lui étaient posées par une journaliste à propos des déclarations « malheureuses » de Michèle Alliot-Marie.
Dans un passé encore proche, quand les élections en Tunisie étaient falsifiées, les Etats-Unis tout comme la France s’empressaient de féliciter un dictateur nommé Ben Ali. Il est, certes, légitime de s’inquiéter des intentions d’Ennahda, sur le moyen ou le long terme, toutefois sa victoire a été décidée par le peuple.