Les Tunisiens ont fêté, ce mardi, l’anniversaire de la fin du protectorat français. Plusieurs rassemblements ont eu lieu dans le pays et notamment sur l’avenue Bourguiba à Tunis. Tous étaient venus rappeler leur attachement à la démocratie et la liberté.
Le 20 mars 1956, un ultime accord abroge le traité du Bardo de 1881 pour reconnaître la Tunisie comme une monarchie constitutionnelle entièrement souveraine. Rivières de drapeaux tunisiens, hymne national, manifestations… les Tunisiens ont fêté, mardi, l’anniversaire de la fin du protectorat français en Tunisie. Des milliers de personnes, rassemblées avenue Bourguiba à Tunis, en ont profité pour rappeler leur engagement à « défendre la démocratie » contre les esprits « rétrogrades ». « Le peuple veut un Etat civil (séculaire) ! Non à l’esprit rétrograde, non au califat », scandait la foule, ou encore « Nous ne laisserons pas voler notre révolution par les esprits obscurantistes », rapporte Le Nouvel Observateur.
Les slogans de divers mouvements et partis ont retenti durant cette journée de fête, comme celui des anti-Ennahda : « Nahdaouiste (partisan du parti islamiste Ennahda, ndlr), éloigne toi, la femme est plus forte que toi ! ». Les « bourguibistes » lançaient quant à eux : « Le bourguibisme (courant de pensée inspiré du père de l’indépendance Habib Bourguiba) ne mourra jamais », « laissez ma Tunisie libre », ou encore « gouvernement de la honte dégage ».
Tant de slogans qui plongent ce 56e anniversaire de l’indépendance en plein cœur de l’actualité. Celle du clivage et des tensions entre camps « islamiste », vainqueur des élections législatives, et « laïque ». Le Président tunisien, Moncef Marzouki, a exhorté tous les Tunisiens « à vivre ensemble avec et malgré leurs différences ». « Que cette fête soit une occasion pour nous tous de repenser nos relations, de vivre avec nos différences et malgré nos différences », a-t-il déclaré mardi lors d’une cérémonie de lever du drapeau au palais présidentiel de Carthage.
Du protectorat français…
En 1869, l’Etat tunisien, ruiné, accepte l’instauration d’une commission de contrôle financière présidée par la France et dans laquelle siègent l’Italie et la Grande-Bretagne. Le pays est alors sous tutelle occidentale. Onze années plus tard, au congrès de Berlin, la Tunisie fait l’objet de toutes les tractations entre les puissances européennes qui se disputent le butin : la France a le feu vert pour coloniser le pays qui, en échange, donne son aval à l’Angleterre pour dominer Chypre. Quant à l’Italie, déjà présente en Libye, ses yeux sont rivés sur la Tunisie, en concurrence avec la France. Le 12 mai 1881, Le Bey signe le traité du Bardo qui reconnaît le protectorat de la France en Tunisie après avoir accusé des tribus kroumirs (Berbères des hauts plateaux, ndlr) de pénétrer sur le territoire algérien. La France envoie ses troupes sur le sol tunisien depuis l’Algérie, l’Italie se voit forcée d’oublier ses vues sur territoire.
La convention de la Marsa, signée par les deux pays en 1883, vient compléter le traité. Les leaders nationalistes sont arrêtés. Mais en 1920, plusieurs groupes nationalistes s’unissent et forment le Destour (Constitution). Ceux-là prônent des réformes démocratiques. Habib Bourguiba devient en 1934 le dirigeant du Néo-Destour, fer-de-lance du mouvement pour l’indépendance de la Tunisie. Ce mouvement regroupe les nationalistes favorables à une ouverture vers l’Occident. Suite aux émeutes de Tunis en 1938, les deux mouvements sont interdits et Bourguiba est jeté en prison durant cinq ans.
… A l’indépendance
Alors qu’en 1945 le général de Gaulle propose à la Tunisie le statut d’« Etat associé » au sein de l’Union française, Bourguiba, de retour au pays en 1949, intensifie sa lutte pour l’indépendance de son pays. Il trouve appui auprès de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), dirigée à l’époque par Ferhat Hached. Les arrestations de Bourguiba et des chefs nationalistes en 1952 amène les indépendantistes à prendre les armes. La Main rouge (groupe armée français opérant dans les années 50 en Afrique du Nord, ndlr) réplique. L’une des premières victimes n’est autre que Ferhat Hached. Après maintes émeutes, attentats et tentatives de réformes proposées par la France, la Tunisie est au bord de la guerre. Le 31 juillet 1954, Pierre Mendès France, nouveau président du Conseil français, se rend dans le pays et promet, dans un discours prononcé à Carthage, l’autonomie interne. Bourguiba, libéré, accepte cette proposition, les émeutes s’arrêtent.
Visite de Pierre Mendès France à Tunis
Le Premier ministre tunisien, Tahar Ben Amar et le successeur de Mendès France, Edgar Faure, signent le 3 juin 1955 une série de conventions consacrant l’autonomie tunisienne. Ainsi, pour la première fois en 74 ans, un gouvernement composé exclusivement de Tunisiens voit le jour le 17 septembre à Tunis. Un dernier accord mettra complètement fin au protectorat français, ce fameux 20 mars 1956. Le traité du Bardo est abrogé et la Tunisie devient officiellement une monarchie constitutionnelle totalement souveraine. Cinq jours plus tard, ont lieu les premières élections législatives de l’histoire tunisienne. Habib Bourguiba est élu président de la première Assemblée nationale, le 8 avril, puis nommé Premier ministre trois jours après. Le Néo-Destour aura eu le dernier mot.
Signatures du protocole d’accord franco-tunisien à Paris
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