Plus d’une centaine de Togolais ont déposé plainte devant la justice, suite aux violences qui ont accompagné les élections présidentielles d’avril 2005 et qui ont provoqué des centaines de morts et contraint près de 40 000 personnes à se réfugier au Bénin et au Ghana voisins.
Les victimes se sont réunies au sein d’un Collectif d’associations contre l’impunité au Togo (CACIT) afin d’obtenir réparation pour les violences perpétrées par les forces de sécurité et des membres des milices, a signalé Amnesty International, une organisation de défense des droits de l’homme basée à Londres.
La justice se chargera de l’étape suivante : elle ouvrira une enquête, recueillera les témoignages et jugera les auteurs présumés des violences. Les groupes de défense des droits de l’homme suivront certainement de très près la procédure car selon eux, le gouvernement exerce une mainmise sur le système judiciaire.
« Nous pouvons dire qu’autrefois, la culture de l’impunité régnait au Togo », a déclaré, vendredi, Salvatore Saguès, chercheur en Afrique de l’Ouest pour Amnesty international. « A notre connaissance, presque aucun des auteurs des violences n’a été traduit en justice. Si le gouvernement veut prouver sa détermination à faire changer les choses et à lutter contre l’impunité, il doit saisir cette occasion en or. Les forces de sécurité comprendront alors qu’elles ne pourront plus violer les droits de l’homme comme elles le faisaient par le passé », a-t-il ajouté.
Alors que le Togo se prépare à organiser des élections législatives, au mois de juin prochain, les autorités se doivent d’engager des réformes profondes, a estimé M. Saguès. « Les victimes ne sont pas animées par un désir de vengeance, mais elles veulent savoir qui les a dépossédées de leurs biens ou qui a tué les membres de leur famille. Elles veulent que justice soit faite, pour que de telles atrocités ne se reproduisent plus », a expliqué M. Saguès.
Dans le rapport publié jeudi, Amnesty International a compilé les témoignages de douzaines de personnes d’horizons politiques divers, que l’organisation avait rencontrées en juillet dernier. Le rapport devait être rendu public lors d’une conférence de presse à Lomé, la capitale togolaise, le 26 novembre 2006. Trois jours avant la publication de ce document, le gouvernement a demandé à Amnesty International « un délai approprié afin de pouvoir formuler les observations qui s’imposent ». Ainsi, Amnesty International a accepté de reporter la publication du document.
Le gouvernement s’est engagé à mettre un terme à l’impunité. « A présent, nous leur demandons d’aller au-delà des promesses, d’agir et de laisser la justice faire son travail librement et rapidement », a indiqué Salvatore Saguès.
Gahoun Hegbor, le ministre de la Communication, a rappelé que les partis politiques étaient parvenus, l’année dernière, à s’entendre sur la création d’une commission chargée de faire toute la lumière sur cette affaire. « Les choses ne vont peut-être aussi vite que le souhaiterait Amnesty, mais le gouvernement ne reste pas les bras croisés », a-t-il dit.
Les auteurs de violence toujours impunis
Lorsqu’elle a reçu la réponse des autorités togolaises, l’organisation de défense des droits de l’homme a déclaré être « déçue que le gouvernement ne se soit pas engagé fermement » à traduire en justice les auteurs présumés des violences de 2005.
Des troubles ont éclaté au Togo après la mort soudaine du Président Gnassingbé Eyadéma, doyen des chefs d’Etat africains, au début de l’année 2005. Son fils, Faure Gnassingbé, a pris les rênes du pouvoir et des élections ont été organisées à la hâte quelques mois plus tard. Les partis de l’opposition et leurs sympathisants ont contesté les résultats du scrutin et des incidents violents les ont opposés aux forces de l’ordre. Des centaines de personnes ont trouvé la mort lors de ces heurts, a souligné Amnesty International.
Au cours des dernières années, les Etats de l’Afrique de l’Ouest ont redoublé d’efforts pour mettre un terme à l’impunité. Par exemple, un Tribunal spécial pour la Sierra Leone a été mis sur pied, avec le soutien des Nations Unies, afin de juger les responsables des crimes commis pendant la guerre civile dans ce pays.
Par ailleurs, Charles Taylor, l’ancien Président du Liberia, comparaît devant ce tribunal, où il est accusé de crimes de guerre pour le soutien qu’il a apporté aux forces rebelles en Sierra Leone. Son fils, Chuckie, est quant à lui accusé de crimes de guerre pour les atrocités commises au Liberia.
Au Burkina Faso, la société civile continue de se mobiliser autour de l’affaire Norbert Zongo. En effet, suite à l’assassinat de ce journaliste, en 1998, des mesures ont été adoptées afin de lutter contre l’impunité. Cependant, la population burkinabè considère que la situation n’a pas suffisamment évolué et exige davantage d’actions de la part du gouvernement. Enfin, un collectif de victimes tchadiennes a déposé une plainte contre l’ancien Président du Tchad, Hissène Habré, qui doit être jugé au Sénégal pour actes de torture.