L’ancien Premier ministre du Togo, Agbéyomé Messan Kodjo, a tenu une conférence de presse, mercredi à Paris, sur les risques liés à l’élection présidentielle du 1er juin prochain. En désaccord avec le président Gnassingbé Eyadéma, Agbéyomé Messan Kodjo a quitté le RPT (Rassemblement du Peuple Togolais) et s’est rallié à l’opposition pour faire barrage à son ancien mentor, qui règne sans partage sur le pays depuis 36 ans.
Dissident politique depuis un an, l’ancien Premier ministre de Gnassingbé Eyadéma, Agbéyomé Messan Kodjo, apporte son soutien à la candidature de Dahuku Peré candidat des Rénovateurs et du PSR (Parti socialiste pour le renouveau). L’ancien baron du RPT, en exil à Paris, a rallié l’opposition togolaise et espère un changement démocratique par les urnes pour en finir avec la dictature d’Eyadéma. Interview.
Vous avez participé au régime du président Eyadéma. Pensez-vous être un vrai démocrate ?
Agbéyomé Messan Kodjo : Mon premier contact avec le pouvoir date de 1988 en tant que ministre de la Culture. Si j’ai accepté ce poste, c’est parce que je croyais qu’il y aurait une passation pacifique du pouvoir par le président Eyadéma et qu’il allait reconnaître l’opposition en la laissant entrer à l’Assemblée Nationale.
Quelles sont vos relations avec l’opposant Gilchrist Olympio qui sera représenté par Bob Akitani lors du scrutin du 1er juin ?
Agbéyomé Messan Kodjo : Je n’ai aucune animosité envers Gilchrist Olympio qui, je le rappelle en passant, est un membre de ma belle-famille. La famille Olympio fait partie du paysage togolais depuis longtemps déjà et j’ai un profond respect pour cet homme qui lutte démocratiquement depuis des années contre la dictature d’Eyadéma.
Que pensez-vous de la rumeur selon laquelle l’opposition aurait recruté des mercenaires pour renverser le pouvoir en cas de réélection d’Eyadéma ?
Agbéyomé Messan Kodjo : Je ne tiens pas compte de tels propos de propagande du gouvernement qui, via les médias, tente de criminaliser et de discréditer l’opposition. Je sais par contre que le président Eyadéma a mobilisé des soldats au large des plages togolaises pour construire des digues de sable qui entourent certains bâtiments officiels. Quant à savoir pourquoi…
Comment voyez-vous les relations entre la France et le président Eyadéma ?
Agbéyomé Messan Kodjo : La communauté internationale a refusé de participer au dépouillement des bulletins de l’élection car elle estime qu’il y a un manque de transparence. Seule la France participera à ce vote en y envoyant des observateurs. Je ne crois pas que ces observateurs oseront déclarer Eyadéma vainqueur des élections en cas de trucage, même s’il est vrai que le Président français entretient des relations privilégiées avec le régime. Je crois que la volonté populaire sera plus forte qu’Eyadéma et s’opposera à une énième réélection du dictateur.
Eyadéma a l’armée derrière lui. Croyez-vous qu’il puisse y avoir des émeutes, voire une guerre civile s’il est réélu ?
Agbéyomé Messan Kodjo : Il y a un clientélisme familial au Togo. J’entends par là que Gnassingbé Eyadéma a placé ses fils à des postes stratégiques de commandement dans l’armée. Même les militaires veulent un changement démocratique. Le rôle de l’armée sera capital dans le processus de paix en cas d’une guerre civile entre les gens du nord, qui sont plus pro-Eyadéma, et ceux du sud qui sont dans l’opposition depuis presque quarante ans. Mais je reste optimiste car les Togolais veulent avant tout la paix et un gouvernement qui les représente.