Le film » Karmen » attire les foudres des intégristes musulmans à Dakar. Les talibés jugent la Carmen africaine blasphématoire. Ils entendent interdire ce film. Ils ont commencé par bloquer l’entrée d’un cinéma. Le réalisateur, Joseph Ramaka, se dit confiant.
Mission divine. La confrérie mouride a assiégé la salle du CICES où devait être projeté le film du Sénégalais Joseph Ramaka, » Karmen », d’après une libre adaptation de la Carmen de Mérimée et de Bizet. Le film devait être projeté à 21 heures trente, samedi dernier. Mais peu de temps avant la séance, les talibés, disciples virulents de la confrérie mouride, crient au scandale devant cette scène : une lesbienne se suicide et est accompagnée jusqu’à sa dernière demeure, par un chant incantatoire d’après le poème « Kalamoune » de Cheikh Ahmadou Bamba.
» C’est un blasphème ! « , scande la centaine d’adeptes de la confrérie mouride sur la place, bloquant l’entrée du cinéma. En effet, ils condamnent l’utilisation de chants religieux mourides dans une scène qui dénature le texte sacré. D’ailleurs, en agissant avec une telle détermination, ils se sentent investis d’une mission divine, appelée » ndigueul « , acte dicté par une voix intérieure à l’écoute du Tout-Puissant.
Karmen black et urbanité chaotique
Le week-end dernier, une autre affiche s’était substituée à celle du film « Karmen », qui porte la signature du réalisateur, Joseph Gaye Ramaka. Cette affiche inédite, porte, elle, la signature des disciples de Cheikh Ahmadou Bamba qui ont opposé leur veto à la projection de « Karmen ». D’ailleurs, cette décision de censurer le film a été approuvée par le député de l’Alliance des Forces de Progrès (AFP, opposition), MonsieurAbdoulaye Babou, qui considère que » l’utilisation d’un poème de Serigne Touba, louant Dieu et son Prophète Mohamed, est du blasphème à l’état pur, dans une telle scène. Cependant, si certains talibés parlent du retrait définitif du film des écrans du Sénégal, du côté de Bel’Arte, Aïssatou Diop, la directrice, dit n’avoir reçu aucune notification. « Nous allons faire notre programmation. En ce moment, nous ne sommes pas à même de savoir. Nous attendons la réaction des autorités. Ce sont les mourides qui étaient armés de gourdin et qui sont venus faire le siège de Bel’Arte », explique-t-elle au Soleil.
Pour le réalisateur, Carmen est un mythe. » Que représente Carmen aujourd’hui ? Que sont l’amour et la liberté de Carmen à l’orée du XXIème siècle ? Tel est le projet de mon film, où Carmen devient Karmen, une Karmen black plongée dans l’univers carcéral des prisons de l’île de Gorée, héroïne rebelle filmée au coeur de l’urbanité magique et chaotique d’une ville africaine « .