L’Attiéké, connu également sous le nom d’Adjèkè, est une spécialité culinaire emblématique des peuples lagunaires du sud de la Côte d’Ivoire, notamment les Ebrié, Adjoukrou, Alladian, Abidji, Avikam, Attié et Ahizi. Son histoire remonte à une époque où les femmes ébriées différenciaient l’attiéké commercialisé (adjèkè) de celui consommé à la maison (ahi).
Ce plat est devenu un pilier de la cuisine ivoirienne, apprécié non seulement localement mais aussi à l’échelle internationale.
Le voyage linguistique de l’adjèkè à l’attiéké
L’origine du mot attiéké est une fascinante évolution linguistique. Le terme adjèkè, issu de la langue ébrié, a été diffusé par les transporteurs bambaras, devenant atchèkè. Les colons français, pour des raisons esthétiques et phonétiques, l’ont transformé en attiéké. Cependant, dans la rue, on entend souvent tch(i)éké, avec l’amuïssement du ‘a’ initial.
La fabrication de l’attiéké : un art collectif
Traditionnellement, l’attiéké est produit par des groupes de femmes dans les villages, se rassemblant pour effectuer les différentes étapes de la production. Cette coopération est essentielle pour assurer la qualité et la quantité de la production. En 1979, la Société Ivoirienne de Technologie Tropicale (I2T) a été créée pour moderniser cette production et maximiser les profits. Aujourd’hui, l’attiéké est non seulement populaire en Côte d’Ivoire mais également exporté vers l’Europe et les pays africains voisins.
Les variétés d’attiéké : une diversité de saveurs et de textures
L’attiéké se décline en plusieurs variétés, chacune ayant ses caractéristiques spécifiques et ses utilisations.
1- Abgodjama : l’attiéké de luxe
L’abgodjama est une variété d’attiéké aux grains plus gros, généralement consommé par les peuples lagunaires eux-mêmes. Fabriqué à partir d’une variété de manioc de qualité supérieure, il est plus cher et difficile à trouver.
2- Attiéké petit grain : la star du commerce
Destiné principalement au commerce, l’attiéké petit grain est le standard de l’attiéké, avec des grains relativement plus petits que l’abgodjama. Disponible en grande quantité sur les marchés, il est plus abordable.
3- Attiéké de garba : une explosion de saveurs
L’attiéké de garba, souvent consommé avec du poisson thon frit (garba), est composé de très petits grains entremêlés. Sa texture est irrégulière et son goût est très acidulé en raison de l’utilisation de manioc fermenté de moindre qualité. Cette variété est vendue à un prix beaucoup plus bas que les autres types d’attiéké.
Processus de préparation : de la racine à l’assiette
La préparation de l’attiéké est un processus méticuleux. Le manioc est épluché, broyé et mélangé avec du manioc fermenté, puis laissé à fermenter pendant un à deux jours. Après la fermentation, la pâte est essorée, tamisée, séchée et cuite à la vapeur. Ce processus permet d’éliminer l’acide cyanhydrique présent naturellement dans le manioc, rendant l’attiéké sûr à consommer.
Différences avec le couscous de blé
Bien que ressemblant visuellement au couscous de blé, l’attiéké se distingue par son goût légèrement acide, sa texture plus élastique et collante, et son aspect légèrement translucide. De plus, l’attiéké est un produit fermenté, contrairement au couscous de blé.
Attiéké : un accompagnement polyvalent
L’attiéké se consomme traditionnellement avec des viandes ou des poissons, souvent accompagné de sauces. Il peut également être servi avec des œufs en omelette, des oignons et des tomates en dés, ou même des fruits comme l’avocat. Ce plat est apprécié pour sa capacité à rassasier à moindre coût, ce qui en fait un aliment de base pour de nombreuses familles.
L’attiéké à l’international : un produit exporté et apprécié
L’attiéké a su conquérir les marchés internationaux, notamment en Europe où il est vendu sous forme déshydratée, fraîche ou congelée. Exporté principalement vers la France et la Belgique, il se vend à un prix bien plus élevé qu’en Côte d’Ivoire, ce qui témoigne de sa popularité croissante.