Les saveurs du Ramadan au Maghreb : traditions et délices culinaires


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saveur du ramadan

Odeurs d’épices, préparations minutieuses et tablées généreuses : durant le mois sacré, la cuisine maghrébine déploie toute sa splendeur. Entre héritage ancestral et innovation contemporaine, découvrez comment le Maroc, l’Algérie et la Tunisie célèbrent chaque soir ce moment de partage où spiritualité et gastronomie se rencontrent.

Chaque année, à l’approche du mois sacré du Ramadan, les cuisines maghrébines s’animent d’effluves épicés et de préparations gourmandes. Dans les médinas de Fès, les ruelles de la Casbah d’Alger ou les souks de Tunis, l’effervescence est palpable. Les étals débordent de dattes fraîches, d’épices colorées et de pâtisseries ruisselantes de miel.

Entre traditions séculaires et innovations culinaires, la rupture du jeûne est un véritable rituel social et gastronomique, marqué par une diversité de plats emblématiques qui varient d’un pays à l’autre. Du Maroc à la Tunisie, en passant par l’Algérie, la cuisine du Ramadan reflète un patrimoine culinaire riche, oscillant entre saveurs sucrées et salées, plats nourrissants et douceurs réconfortantes.

L’iftar : un festin après le jeûne

« Allah akbar » – la prière du Maghrib résonne et, dans un même élan, des millions de mains se tendent vers les premières dattes. L’iftar, le repas qui marque la fin du jeûne quotidien, débute traditionnellement par ce fruit sucré accompagné d’un verre de lait ou d’eau, une coutume inspirée par la pratique prophétique. Ce premier en-cas, simple mais symbolique, permet de réguler le taux de sucre dans le sang avant de poursuivre avec des mets plus consistants.

« La première datte après une journée de jeûne a une saveur incomparable, » confie Amina, mère de famille casablancaise. « C’est un mélange de satisfaction spirituelle et de plaisir gustatif qui lance parfaitement notre soirée de Ramadan. »

La Harira et ses cousines

Au Maroc, l’iftar ne saurait être complet sans la célèbre harira, une soupe épaisse à base de tomates, de pois chiches, de lentilles et de viande, parfumée au gingembre et au safran. Dans les foyers comme dans les restaurants, cette préparation mijotera des heures durant, libérant des arômes qui envahissent rues et maisons. Cette soupe nutritive est accompagnée de chebakia, ces petits beignets au miel et au sésame qui apportent une touche sucrée à l’ensemble.

En Algérie, on retrouve une variation de la harira appelée chorba frik, préparée avec du blé concassé (frik), des légumes et de la viande. « Notre chorba se transmet de génération en génération, » explique Karim, chef algérois. « Chaque famille a sa recette secrète, certains y ajoutent plus de menthe, d’autres privilégient la coriandre. »

En Tunisie aussi, c’est la chorba qui domine les tables, agrémentée de pâtes telles que les langues d’oiseaux ou vermicelles, et relevée de harissa pour une note épicée qui fait la fierté du pays.

Les accompagnements incontournables

Les soupes sont généralement servies avec du pain maison, comme la kesra en Algérie ou la khobz dar au Maroc, pétri le jour même et cuit au four traditionnel. Les boreks (feuilletés farcis à la viande hachée ou au fromage) sont aussi des incontournables en Algérie et en Tunisie, où ils sont appelés briks et souvent garnis d’un œuf coulant, dont la cuisson parfaite suscite fierté et compétition entre cuisinières.

« Le moment où l’on croque dans un brik et que le jaune d’œuf coule parfaitement, c’est un petit bonheur quotidien du Ramadan, » raconte Sonia, tunisienne de 34 ans.

Le dîner : des plats copieux et savoureux

Après la prière du Maghrib, les familles se réunissent pour un repas plus copieux, souvent préparé collectivement depuis l’aube. Parmi les mets emblématiques figurent :

Le tajine (au Maroc et en Algérie), décliné en version sucrée-salée avec des pruneaux et des amandes ou en version épicée avec des légumes et de la viande. Le tajine aux citrons confits et olives vertes reste un grand classique, sa sauce onctueuse permettant de réhydrater l’organisme après une journée sans eau.

Le couscous, souvent servi en fin de semaine lors du Ramadan, avec des pois chiches et de la viande mijotée. « Le vendredi, notre couscous prend des allures de festin, » témoigne Hassan, père de famille de Tlemcen. « On y ajoute sept légumes différents, comme le veut la tradition. »

Les mderbel et marqa en Algérie, plats mijotés aux légumes parfumés aux épices locales, dont la cannelle et le ras-el-hanout, qui embaument les cuisines familiales. Les ojja tunisiennes, une poêlée à base de tomates, œufs et merguez, dont la préparation rapide en fait un plat prisé durant le mois sacré, où les journées sont consacrées à la spiritualité plutôt qu’aux longues préparations culinaires.

Les douceurs sucrées du Ramadan

Le Ramadan est également synonyme de gourmandises sucrées qui accompagnent le thé à la menthe ou le café après le repas, prolongeant ces soirées où le temps semble suspendu :

  • Les makrouts, pâtisseries fourrées aux dattes et enrobées de miel, dont la confection mobilise souvent plusieurs générations de femmes quelques jours avant le début du Ramadan.
  • Les zlabias, beignets imbibés de sirop sucré, très prisés en Algérie et en Tunisie. « Durant le Ramadan, les pâtisseries traditionnelles surpassent les desserts modernes, » observe Nadia, pâtissière à Oran. « C’est un retour aux sources qui fait plaisir à voir.« 
  • La rfiss, un dessert algérien à base de semoule et de beurre, idéal pour reprendre des forces et particulièrement apprécié des enfants.
  • La sellou ou sfouf, un mélange de farine grillée, de fruits secs et d’épices, riche en énergie, que l’on grignote tout au long de la soirée entre discussions et programmes télévisés spéciaux.

Le Suhour : un dernier repas avant l’aube

Dans la pénombre des dernières heures de la nuit, avant le lever du soleil, le suhour permet de faire le plein d’énergie pour affronter la journée de jeûne. Ce repas est souvent plus léger et se compose de semoules, de laitages, de fruits secs et de pains accompagnés de miel ou d’huile d’olive.

« Le suhour est un moment particulier, » confie Youssef, étudiant marocain. « Manger quand la ville dort encore crée une intimité unique avec soi-même et sa spiritualité. »

Un mois de partage et de convivialité

Au-delà de la diversité des plats, la cuisine du Ramadan au Maghreb incarne avant tout un moment de partage et de convivialité. Les rues s’animent après l’iftar, les familles et voisins se réunissent autour de tables garnies, échangeant mets et traditions. Cette période est aussi marquée par la solidarité, avec la distribution de repas aux plus démunis, particulièrement visible dans les restaurants solidaires qui fleurissent durant ce mois.

« Le Ramadan, c’est aussi ouvrir sa porte à ceux qui n’ont pas de famille avec qui rompre le jeûne, » rappelle Mohammed, bénévole dans un restaurant associatif de Rabat. « La vraie saveur du Ramadan, c’est celle du partage.« 

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