Les deux faces de l’île de Saint-Domingue, Haïti et la République dominicaine, connaissent aujourd’hui une forte disparité en termes de développement et de niveau de vie, ce qui crée un courant d’émigration de Haïti vers la République dominicaine… Quel est aujourd’hui le sort des Haïtiens expatriés? Enquête.
Haïti et la République Dominicaine sont deux pays des Caraïbes… Qui partagent une même ile, autrefois appelée Saint-Domingue : à l’Ouest, la République de Haïti, à l’Est, la République dominicaine. Depuis son indépendance, proclamée par Toussaint Louverture en 1804, lorsque Napoléon Ier décida de rétablir l’esclavage dans les colonies françaises, la République haïtienne comme sa voisine dominicaine, est essentiellement peuplée de noirs, descendants directs des esclaves qui y furent déportés dès la fin du XVème siècle, et qui se substituèrent totalement à la population indigène, massacrée par les Colons, ainsi qu’à la population d’origine européenne, presque entièrement massacrée à la fin du XVIIIème siècle, lors de la révolte des esclaves.
une forte disparité économique…
L’histoire politique troublée des dernières décennies du vingtième siècle, combinée avec des catastrophes naturelles terribles, comme le récent tremblement de terre qui eut pour épicentre la capitale d’Haïti, Port-au-Prince, placent aujourd’hui les deux Républiques dans une situation économique bien différente : les investisseurs étrangers préfèrent la République dominicaine, où le tourisme et l’industrie se développement, tandis qu’ils délaissent Haïti, perçue comme moins sûre, socialement explosive et économiquement moins porteuse…
La misère qui règne en Haïti, comparée à la situation du pays voisin, pousse de nombreux Haïtiens à se réfugier en République Dominicaine pour échapper à l’insécurité, à la pauvreté, à la difficulté de trouver des logements décents après les ravages du tremblement de terre de janvier 2010… Un nombre croissant d’hommes et de femmes de tous âges et de toutes catégories sociales choisissent donc de s’expatrier de l’autre côté de l’île.
les cicatrices de l’histoire
Or Haïtiens et Dominicains n’ont pas une grande complicité : si on fait un retour rapide sur les relations entre les deux pays, on doit souligner que les Dominicains gardent un souvenir amer de la période pendant laquelle l’île de Saint-Domingue fut unifiée sous un seul drapeau, de 1822 à 1843, avant de se diviser à nouveau en deux Républiques distinctes. Les détours de l’histoire offrent aujourd’hui aux Dominicains une forme de revanche : le racisme anti -haïtien est donc très marqué.
Il arrive fréquemment que des réfugiés haïtiens soient agressés, ils ne bénéficient d’aucune assistance médicale et les sans-papiers sont victimes d’arrestations arbitraires, d’incarcérations, suivies parfois de reconduites à la frontière haïtienne…
Le sort peu enviable des sans-papiers
Les réfugiés haïtiens en République dominicaine se classent en effet en deux catégories : les réfugiés légaux sont en majorité, souvent commerçants ou étudiants, mais leur position est fragilisée par l’afflux de réfugiés illégaux, venus d’on ne sait où, qui arrivent en République dominicaine sans papiers, souhaitant ne plus pouvoir être identifiés une fois la frontière passée…
Les témoignages sont nombreux de réfugiés sans-papiers exploités pour leur force de travail par des patrons dominicains, puis dénoncés, traqués, arrêtés, reconduits à la frontière parfois sans avoir même pu percevoir le salaire qui leur avait été promis… Comme dans de nombreux pays du monde, les réfugiés sans-papiers se retrouvent dans une situation de grande précarité, obligés de travailler hors de tout cadre légal donc sans aucune protection, et livrés à une exploitation proche de l’esclavage.
Ainsi se perpétuent les préjugés et la violence sociale prolonge l’antipathie profonde qui existe entre Haïti et République dominicaine. Les familles dominicaines s’opposent aux mariages mixtes, dénonçant l’inculture et la vulgarité des Haïtiens, les Haïtiens reprochent à leurs voisins l’exploitation que nombre d’entre eux subissent…
La relation entre les deux populations est donc actuellement très critique au sein de la communauté dominicaine, où les réfugiés haïtiens tentent d’échapper aux maux endémiques qui frappent leur pays : plusieurs pistes pourraient pourtant être suivies pour diminuer le nombre d’actes violents, assassinats, agressions, lynchages…
Tout d’abord un effort pour la recherche d’une meilleure convivialité, la collaboration, l’entraide, la solidarité, la recherche de solutions aux problèmes sociaux que pose la présence des Haïtiens sur le sol de la République dominicaine. Ensuite une lutte contre la tendance de certains groupes à s’isoler, à s’ignorer, voire à s’insulter ou à s’opposer, conduisant à la création d’une forme de ghettos urbains. Enfin la prise en compte de ces évolutions négatives plaide en faveur de la constitution d’un cadre formel pour la gestion de ces relations en République dominicaine, impliquant probablement les collectivités locales dans la recherche de solutions…