Les rebelles soudanais appellent l’OTAN à intervenir au Darfour


Lecture 4 min.
Darfour
Darfour

En visite à Paris, le chef du Mouvement de libération du Soudan a appelé mardi l’OTAN à intervenir au Darfour pour « mettre fin au génocide qui y est perpétré depuis quatre ans ». Abdelwahid Mohamed Ahmed al-Nour dit avoir fait son deuil d’une intervention de l’ONU, qui attend un accord de Khartoum pour déployer ses troupes.

Pour sauver des millions de personnes d’un génocide, on ne demande pas la permission. C’est ce que Abdelwahid Mohamed Ahmed al-Nour, le chef de la frange du MLS (Mouvement/Armée de libération du Soudan) non signataire de l’accord de paix d’Abuja, a expliqué mardi au Centre d’accueil de la presse étrangère, à Paris. Désabusé par l’inaction de l’ONU, qui sollicite l’accord du gouvernement soudanais pour déployer ses troupes au Darfour, selon les termes d’une résolution votée le 31 août dernier (résolution 1706), il se retourne vers l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique nord), l’Union européenne (UE) et ses pays membres.

« J’appelle à un envoi d’une force de l’OTAN et de l’Union européenne pour arrêter le génocide. J’en appelle à leur responsabilité morale et légale, explique le jeune avocat diplômé en droit de l’université de Khartoum. Il n’y a aucune perspective pour qu’un déploiement des troupes de l’ONU ait lieu dans un bref délais. Je suis sûr que d’ici l’année prochaine, les forces de l’ONU ne seront pas venues au Darfour (…) Si nous ne sommes pas Européens, nous sommes des citoyens du monde. Ne méritons-nous pas le même sort que le peuple du Kosovo, où l’OTAN est intervenue pour mettre fin au nettoyage ethnique ? »

En réclamant l’intervention de l’organisation occidentale, le chef du MLS espère contourner le poids de la Chine et de la Russie, qui traîneraient des pieds au Conseil de sécurité de l’ONU, où ils disposent d’un droit de veto, pour forcer la main à Khartoum et rendre une intervention onusienne possible. Quant à l’Union africaine (UA), qui dispose d’une force de 7 000 hommes sous équipés au Darfour, « avec tout le respect que j’ai pour elle, poursuit-t-il, elle pourrait déployer deux millions d’hommes, sa mission reste une mission d’observation ».

Ne plus lier l’intervention « à l’acceptation de Khartoum »

Depuis le début de l’année 2006, le gouvernement du président Omar el Béchir menace de faire du Darfour « le tombeau » de toute force occidentale qui interviendrait pour protéger la population de cette région de l’est du Soudan. Si les chances pour que l’UE – divisée sur les questions de politique étrangère – bouge son petit doigt armé sont proches de zéro, il n’en existe aucune pour que Khartoum accepte sa présence au Soudan.

Mais Abdelwahid al-Nour n’attend justement plus rien des autorités, alors que selon lui, des Antonov soudanais ont de nouveau bombardé mardi les régions de Amrai et Anka, au Darfour. Ce que l’armée régulière dément. « Arrêter le génocide ne peut être un objet de chantage avec Khartoum. Il est normal que Béchir, qui continue de massacrer son peuple, n’accepte pas de force étrangère. Si on lie [l’intervention] à l’acceptation, cela signifie que nous acceptons que continue le massacre. »

Les signataires de l’accord d’Abuja désabusés

Le 5 mai dernier, Abdelwahid al-Nour avait refusé de signer l’accord d’Abuja, avec le gouvernement soudanais, malgré l’extraordinaire pression de la communauté internationale, notamment de l’UA. Une frange du MLS, portée par Minni Arkou Minnawi, l’avait paraphé de peur de perdre le soutien de la communauté internationale. Elle relevait néanmoins que « la vraie paix est celle observée sur le terrain » et que « des accords ont été signés sans être appliqués ».

Depuis plusieurs mois, Minni Minawi déchante. La semaine passée, depuis Tripoli, où il rencontrait Muhammar Kadhafi, il a de nouveau menacé de rompre l’accord d’Abuja. « Il est évident que le gouvernement continue de soutenir les milices janjawids », a-t-il regretté, alors que l’accord prévoyait leur désarmement. Mardi, Abdelwahid al-Nour, qui s’exprimait lors d’une conférence de presse organisée par l’Association de la presse panafricaine (APPA), a annoncé que la majorité des commandants qui avaient paraphé le texte le 5 mai dernier a fait machine arrière, et que Minni Minawi risque de bientôt faire de même.

Une force à la frontière du Soudan

Avant de s’asseoir de nouveau à la table de négociation, le chef du MLS réclame le retour des 2,5 millions de réfugiés et déplacés sur leur terre et l’assurance de leur sécurité. Quant au terme de « génocide », que la diplomatie française, au contraire de celle des Etats-Unis, n’utilise pas, « ça n’est pas un problème, explique-t-il. Ce qui est important est qu’elle reconnaisse que des massacres, des viols (…), le manque de nourriture et de médicaments ont fait des centaines de milliers de morts (200 000 selon les chiffres de l’ONU). »

Mardi, le Conseil de sécurité de l’ONU a relancé les préparatifs pour l’envoi d’une force aux confins du Soudan, du Tchad et de la Centrafrique afin de protéger les civils affectés par le conflit au Darfour. Cette même solution est envisagée par Human Rights Watch, qui publie mercredi un rapport sur la « darfourisation » de la région et l’instrumentalisation par Khartoum et N’Djamena des rébellions à leurs frontières.

Lire aussi :

Khartoum signe un accord avec la principale faction rebelle

Darfour : les rebelles combattent les rebelles

Le conflit du Darfour n’est pas racial

Newsletter Suivez Afrik.com sur Google News