Dans le sillage des Etats-Unis et de l’Allemagne, la France modernise sa politique diplomatique. Redéfinition des accords militaires, déploiement de réseaux culturels et éducatifs, le pays cherche à rompre avec un héritage historique parfois lourd à porter, en particulier en Afrique. Mais confrontées à de dures contraintes budgétaires, les belles déclarations d’intention laissent parfois songeur.
Opération de charme des grandes puissances occidentales. Fini les clauses secrètes et les interventions militaires automatiques (accords militaires des années 60-70). Révolue l’ère des colonies et de la Guerre Froide. Nous allons faire peau neuve, clament ces dernières à qui veut l’entendre.
Dans son Livre blanc de la défense, en 2008, la France a beau placer l’Afrique « au premier rang » d’une stratégie de « prévention » des menaces (trafics, terrorisme, rupture des approvisionnements en matières premières), elle se désengage militairement du continent. La France avait peu ou prou cinq bases militaires en Afrique (Djibouti, Dakar, Ndjamena, Libreville et Abidjan, ainsi que l’opération Licorne au Togo). Mais, signe d’un changement de cap, elle renégocie ses accords militaires. Elle a déjà renouvelé trois accords : avec le Togo (le 12 mars 2009), le Cameroun (le 21 mai) et le Gabon (le mercredi 17 février 2010). Il s’agit tout de même d’un désengagement militaire en Afrique, la France ne conservant qu’une seule base permanente sur la façade atlantique du continent africain, au Gabon.
Vers la fin de la Françafrique ?
Selon Le Monde, « de 30 000 hommes déployés en Afrique au début des années 1960, les effectifs sont déjà passés à 10 000. Ceux-ci vont encore diminuer. » Dans la continuité de son discours au Cap (Afrique du Sud) en février 2008, Nicolas Sarkozy a rappelé lors de sa visite au Gabon mercredi, sa volonté de rompre avec un passé « obsolète », en prêchant « une totale transparence dans sa coopération militaire avec les Etats africains». L’objectif fixé étant de nouer des « partenariats » avec certains pays et d’aider l’Afrique à développer son propre dispositif de sécurité collective. Les déboires de l’armée française en Côte d’ivoire et les considérations budgétaires ont poussé l’opinion publique française à s’interroger sur l’opportunité de maintenir une présence militaire en Afrique avec des dépenses de plus d’un milliard d’euros.
C’est dans ce climat que le Parlement français examine la réforme de la politique extérieure engagée par l’État. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères, s’est déplacé au Sénat lundi dernier pour prôner « une révolution culturelle, une véritable décolonisation » accompagnée du déploiement d’un réseau de centres éducatifs et culturels baptisés « Institut Victor Hugo » ou « Institut Français » (le nom fait encore l’objet de débats à l’Assemblée nationale et au Sénat) éparpillés dans les zones d’influence de la langue française. Mais, face aux fontes de crédits et aux suppressions de postes, la révolution pourrait se réduire à une simple réformette. «Ce projet de loi ne saurait tenir lieu, à lui seul, de réponse à la crise que traverse notre diplomatie culturelle», a déploré Jean Pierre Chevènement, sénateur radical et président du MRC (mouvement pour un rassemblement citoyen). « Le budget consacré à notre rayonnement culturel et scientifique a connu des baisses pouvant aller jusqu’à 20% ou 30% et tout laisse à penser que le budget et les effectifs du Quai d’Orsay vont continuer à subir des coupes claires ».
Le nouveau ‘soft power’ des grandes puissances
Tout comme la France, l’Allemagne prétend soigner son engagement en direction de l’Afrique. Le 19 février, l’ambassade allemande à Paris convoquait nombre de journalistes africains pour présenter sa nouvelle initiative diplomatique baptisée Aktion Afrika. Financée à hauteur de 20 millions d’euros par an, l’opération consiste notamment à déployer des instituts culturels et éducatifs (les instituts Goethe) dans un maximum de villes africaines ainsi que de proposer des formations aux meilleurs élèves du jeune continent (le DAAD). Mais si ces promesses sont encourageantes, il ne faut pas oublier que l’Allemagne et la France ont récemment été épinglées par un rapport de l’OCDE pour avoir failli à leurs promesses d’aide au développement .
Insister sur les dimensions culturelles et éducatives d’une influence à l’étranger, cela rappelle le concept de soft power (puissance douce) élaboré par le politologue américain Joseph Nye. Le concept invite les puissances mondiales à influencer indirectement le comportement des autres États à travers des moyens culturels ou idéologiques. Le concept a été repris, et renommé smart power par Hillary Clinton lors de son discours d’investiture le 13 janvier 2009 devant les sénateurs américains. Si l’ère de l’intervention militaire et de l’ingérence arbitraire semble plus ou moins dépassée, les régimes monétaires et économiques, foncièrement injustes, restent tout de même de mise. Face aux belles déclarations occidentales, les Africains restent sceptiques.