Quelques années après l’arrivée des premiers foreurs pétroliers américains en Guinée équatoriale en 1992, des milliers de migrants, pour la plupart ouest-africains, ont suivi. Beaucoup d’entre eux sans visa ni permis de travail.
Aujourd’hui, selon les estimations des forces de police nationales, un tiers de la population –soit plus de 300 000 personnes- est originaire de l’étranger, et la plupart des immigrés arrivent clandestinement en quête des pétrodollars dont ils ont tant entendu parler.
« Il y a environ 10 ans, des migrants ont commencé à arriver du Nigeria et du Cameroun », a expliqué Antonio Obiang, retraité des forces de police. « Le premier groupe s’est installé ici, tandis que le deuxième groupe ne pensait qu’à une chose : aller en Europe en profitant des visas pour l’Europe, qui étaient délivrés facilement dans les années 1980 ».
Mais aujourd’hui, les migrants ne sont plus aussi pressés de quitter ce pays devenu troisième producteur de pétrole d’Afrique, selon Justino Angue, directeur de service au ministère national de l’Emploi.
« Ce n’est pas comme avant », a-t-il expliqué. « Nous voyons des bateaux entiers de ressortissants de toutes nationalités, ouest-africains pour la plupart, débarquer et rester là ».
Les migrants ont expliqué à IRIN que même sans papier, ils pouvaient se faufiler de l’autre côté de la frontière, en versant des pots-de-vin aux responsables des forces de sécurité.
S’ils sont pris sur le fait et menacés d’être arrêtés au cours des rafles périodiques et des expulsions massives menées par les forces de sécurité, pour environ 400 dollars, ils sont autorisés à rester, ont-ils confié.
Villages pétroliers
A 10 kilomètres de Malabo, la capitale, se trouve une zone construite par ExxonMobil –qui comprend des épiceries, un gymnase et un pressing- où des centaines de personnes vivent, qui entretiennent toutes des liens avec la société ExxonMobil. Près de là se trouve une autre zone pour les employés et les prestataires de Marathon, une autre compagnie pétrolière, ainsi que leurs familles.
Pour Fabio Ocori, homme d’affaires, les migrants ont un avantage : ils constituent une main-d’œuvre fiable. « Employer des immigrés est inévitable en Guinée équatoriale. C’est moins cher et vous n’êtes pas obligés de les déclarer. Si vous voulez un jardinier fidèle, un chauffeur obéissant, un entrepreneur professionnel, tout ce que vous avez à faire, c’est appeler un immigré, clandestin ou pas ».
Les immigrés affluent par centaines chaque mois, selon les estimations de la police, pour répondre à cette demande constante.
Selon Marcelo Engonga, sociologue local, cet afflux attise la méfiance des populations locales : « les immigrés ont inondé le marché du travail et l’économie informelle a provoqué un malaise social au sein des populations locales, qui ne sont pas habituées à un tel entreprenariat ».
Xénophobie
Selon M. Engonga, les vendeurs ambulants arrivés dernièrement en Guinée équatoriale se sont attiré les foudres des populations.
« Chaque fois que des Equato-Guinéens voient un Béninois vendre de l’eau ou des desserts, ou un Camerounais gagner sa vie en vendant du poisson grillé, ils disent que ces immigrés sont en train de leur voler leur pays », a-t-il dit.
Malabo regorge de bijoutiers et de restaurateurs sénégalais, de marchands d’art nigérians, d’hommes d’affaires béninois, libanais ou chinois, et de vendeurs ambulants maliens.
D’après M. Engonga, ce mélange provoque une réaction xénophobe de la part des populations locales, qui perçoivent les étrangers comme une menace à leur propre survie. « Pour préserver la prospérité de leur pays, ils acquièrent un réflexe défensif qui consiste à chasser les étrangers ».
Des mesures sévères
« Ce petit monde commercial a créé une véritable économie parallèle estimée à plusieurs centaines de milliers de dollars non-imposés, qui échappent chaque année à la supervision des autorités », a indiqué Jaime Ndong, agent des douanes.
En 2007, le gouvernement a interdit aux Ouest-Africains de devenir propriétaires d’épiceries. Dans tout le pays, les magasins des Maliens, des Sénégalais et autres ressortissants ouest-africains ont été fermés ou repris par l’Etat.
En 2004, le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo a fait passer une loi limitant à 30 pour cent la proportion de travailleurs étrangers au sein des entreprises ; cette loi épargne néanmoins les compagnies pétrolières, autorisées à embaucher 70 pour cent de travailleurs étrangers, tant qu’elles offrent des programmes de formation aux travailleurs locaux.
Pour justifier cette proportion plus importante d’employés étrangers dans le secteur pétrolier, la loi invoquait « le haut niveau de compétences techniques requises ».
Mais en fin de compte, la demande en main-d’œuvre immigrée l’emporte sur les efforts déployés pour chasser les étrangers.
« La Guinée équatoriale est un pays riche en pétrole, qui connaît une croissance économique rapide », a indiqué un des hauts responsables d’une entreprise européenne de travaux publics, qui n’a pas souhaité être nommé. « Le problème, c’est qu’elle manque cruellement d’employés qualifiés. Nous sommes obligés d’aller en chercher hors du pays si nous voulons atteindre nos objectifs ».
Bien que le pétrole soit devenu la principale source de revenus du pays –il a rapporté au pays plus de quatre milliards de dollars, soit 90 pour cent de son économie, en 2007-, selon la Banque des Etats de l’Afrique centrale, la majorité de la population vit encore de l’agriculture, en cultivant du cacao et du café, à l’ombre de l’économie pétrolière.