Avec l’été, on a envie de relire « Les Oranges », d’Aziz Chouaki ; magnifique et tonique petit livre sur l’Algérie d’aujourd’hui ses drames et sa difficulté à se sortir d’une violence interne que tous pourtant rêvent de voir révolue.
Le style d’Aziz Chouaki est tout entier empreint de cette langue algéroise à nulle autre pareille, où le français se mêle à l’arabe, où l’Orient se mêle à l’Occident, où il y a la démesure et l’excès des mots en liberté, alliés à la mesure juste et l’esprit clair que dessine le soleil sur les façades.
On part avec Aziz Chouaki dans une sorte d’introspection joyeuse des drames de l’Algérie contemporaine. Joyeuse, parce que ressentie, interne, vivante. Joyeuse, parce que lâchée au gré de cette faconde linguistique qui conduit l’enchaînement des mots et des images. Extraits :
« Ben Bella, notre président, choisit un chiffre : c’est le chiffre Un, celui du fascisme absolu. UN parti, UNE langue, UNE religion. Le phallus national s’érige sous la poussée héroïque de millions de bras musclés. Prêts à tout, savent pas les pauvres, han, tirent les milliers de cordages, oui, le voilà qui se dresse, encore, UN, il monte, oui, là-bas en haut, han, han, tirez encore par là-bas, oui, c’est bon, han, le voilà bien brandi, UN, qui lèche la voûte du ciel, et qui défie la pesanteur, han, parfait, indéboulonnable UN ».
Un est divisible
« Un jour, j’ai pris un mètre cube de terre d’Algérie, et je l’ai analysée avec Djaffar, un copain chimiste, qui a un ordinateur. On a déduit que dans un mètre cube de terre d’Algérie il y a du sang phénicien, berbère, carthaginois, romain, vandale, turc, français, maltais, espagnol, juif, italien, yougoslave, cubain, corse, vietnamien, angolais, russe, pied-noir, harki, beur. Voilà, c’est ça, la grande famille des oranges. Donc quoi ! Donc c’est faux : Un. »
De la colonisation à la décolonisation, de l’Indépendance à l’Islamisme… Tout est là, décrypté, joyeusement, fougueusement, miraculeusement verbal et écrit à la fois. On rit, on pleure, on respire Alger.
Commander le livre : Aziz Chouaki, « Les Oranges », Mille et une Nuits.
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