Les tensions entre la France et la Côte d’Ivoire sont-elles définitivement apaisées? Voici une interrogation qui nourrit les débats de milliers de Français et d’Ivoiriens depuis la déclaration de Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères, lors de son séjour le week end dernier au bord de la lagune Ebrié.
Notre correspondante à Abidjan
Bernard Kouchner a annoncé, lors d’une visite officielle en Côte d’Ivoire, que la page noire qui gelait les relations entre la France et la Côte d’Ivoire était tournée. Pour certains, cette déclaration est un grand pas de la France dans sa volonté de s’allier de nouveau à son « pré carré » ivoirien.
Cependant, Bernard Kouchner ne s’est pas arrêté à cette sortie purement diplomatique. Le ministre français s’est exprimé notamment sur l’avant dernière étape de l’Accord de Ouagadougou, pour coller avec l’actualité des populations ivoiriennes. Bernard Kouchner a en effet jeté un pavé dans la marre, en direction de l’Accord de Ouagadougou. « J’ai l’expérience du désarmement des anciens belligérants et des processus de paix. Je sais que cela prendra du temps et ne sera pas achevé pour la période électorale, concernant la Côte d’Ivoire. Il faut cependant que l’accès au bureau de vote soit assuré », a-t-il recommandé.
L’Accord de Ouagadougou dans la ligne de mire
Ce qui pourrait être vu comme du réalisme de la part du ministre français, a été pris, par certains Ivoiriens, comme un rejet de l’Accord de Ouagadougou. Au lieu d’apaiser, la visite de Bernard Kouchner aurait définitivement donné la position de la France sur ledit accord scellé par les Africains, pour les Africains, et sans la France, après l’avortement de plusieurs autres dont celui de Linas-Marcoussis soutenu par l’Hexagone.
La déclaration de Bernard Kouchner serait pour ainsi dire la matérialisation de ce que la France a toujours pensé de l’Accord de Ouagadougou depuis sa signature en Mars 2007. Pendant que tous regardent en direction de l’application à la lettre de cet Accord, le ministre français y aurait enlevé un crédit jusque là souhaité par le parti au pouvoir et les ex-rebelles.
En plus de cette dernière déclaration, qui a jeté de l’huile sur le feu, le diplomate a « refusé » de remettre la flotte ivoirienne sur pied. « La France ne pourrait définitivement tourner la page, pendant que la Côte d’Ivoire a encore la quasi totalité de sa flotte à terre, neutralisée par les éléments de la force Licorne », a rappelé un confrère ivoirien.
Des sujets de discorde restent présents
Le président Gbagbo s’est immiscé dans le débat en déclarant à son tour que : « La visite de Bernard Kouchner est un pas en faveur de l’amélioration des relations franco-ivoirienne ». Les mots ayant été choisis avec beaucoup de tact, cette phrase, plutôt que de traduire le soutien du président de la République de Côte d’Ivoire, laisserait sous entendre qu’il reste beaucoup à faire de la part de la France pour parfaire le réchauffement des relations franco-ivoiriennes.
Plusieurs sujets laissent à penser que les nuages ne se sont pas vraiment dissipés entre les deux pays. Les débats sur l’affaire Kieffer sont encore au goût du jour. La semaine dernière encore l’épouse du journaliste franco-canadien disparu en Côte d’Ivoire, a demandé au Président Gbagbo sur lors d’une interview sur France 24, de lui dire où se trouvait son époux.
Beaucoup d’autres maux, dont Bernard Kouchner n’a pas touché un mot aux Ivoiriens, sont en suspens. Pour les Ivoiriens, « sa déclaration est à prendre avec des pincettes ». L’avenir pourra, comme nous l’a confié Koffi Marc Arthur, professeur d’histoire dans les lycées et collèges d’Abidjan, situer les deux partis quant à la nature réelle de leur nouvelle coopération.