Les années 70-80 ont vu l’émergence de femmes détenant le monopole à Lomé et dans la sous-région de la distribution et de la commercialisation du wax hollandais. Les » nanas-benz » ont depuis perdu de leur pouvoir économique. Leurs filles, à l’instar de la nouvelle génération de femmes, reprennent le flambeau à leur manière. L’avis de l’une d’entre elles, Rose Creppy.
Les nanas-benz ont fait, avec le commerce de tissus, les beaux jours de l’économie togolaise dans les années 70 et 80. Elles en ont inspiré plus d’une. Mastodontes assises devant leur étals de tissus hollandais, ayant auprès d’elles des corbeilles remplies de billets de F CFA et circulant dans des Mercedes-Benz. Tel est le mythe associé aux nanas-benz du marché de Lomé. Il persiste aujourd’hui même si la donne économique est autre. Leurs affaires ont souvent tourné court au début des années 90. Les problèmes politiques du Togo et les difficultés de succession à la tête de leurs empires commerciaux sont les principales causes de cette situation.
La jeune génération a pris le relais, profitant plus ou moins des erreurs de ses aînées ou tout simplement s’inspirant d’elles. La nouvelle génération de femmes actives dans l’économie africaine sont des managers dans tous les sens du terme. Intellectuelles, la plupart du temps, ou ayant tout simplement intégrées les contraintes liées à la réussite de leurs affaires.
Mme Glele pourrait représenter cette nouvelle génération. Femme d’affaires accomplie, elle est à la tête de la société d’import-export Melvina au Bénin. Cette société opère, entre autres, dans le négoce de dentelles autrichiennes très prisées au Bénin et au Nigéria. Comptable de formation, après un bref passage dans l’administration, elle est rentrée dans le commerce de textiles. Le textile est, cependant, devenu de moins en moins rentable. Une réorientation de ses activités semble donc s’imposer. Les » petites nanas » de Lomé ne sont pas en reste. Héritières de leurs mères, elles veulent redorer le blason de ces dernières. Elles ont renoncé au surnom de » nana-benz « , la Mercedes étant devenue, selon elles, aujourd’hui une voiture d’une banalité affligeante.
Le témoignage de Rose Creppy, à la tête de l’Association professionnelle des revendeuses de pagnes du Togo (APRT), nous éclaire sur le phénomène et comment ces dernières envisagent l’avenir.
Afrik.com : Comment les nanas-benz ont commencé et vous plus particulièrement ?
Rose Creppy : J’ai fait mes débuts dans le commerce de tissus en 1960 et ce auprès de ma mère. Les nanas ont travaillé dur pour en arriver là. Nous avons commencé par le Ghana. Nous ne pouvions nous adresser directement au groupe hollandais VLISCO, producteur des pagnes. Il fallait s’adresser à sa représentation ghanéenne ou à la CFAO (société française de distribution) qui détenait l’exclusivité de la distribution des pagnes qui provenaient de la Hollande et de l’Angleterre. Nous achetions aussi du fancy (variété de tissu), produit par la Chine et exclusivement distribué par les Agouda (Syriens). En 1967, nous nous sommes regroupées pour défendre nos droits au sein de l’association dont je suis depuis 1990 la présidente.
Afrik.com : En parlant de nouvelle génération, comment envisager l’avenir et quels conseils donneriez-vous aux » petites nanas «
Rose Creppy : C’est à elles de décider de leur avenir ! De fait, elles sont réticentes à intégrer notre association alors qu’elles pourraient compter sur cette dernière. Elles ne souhaitent plus rester sur place et préfèrent se rendre en Asie pour s’y approvisionner directement. Les nanas-benz sont une génération partante non seulement parce qu’elles ne sont plus actives mais aussi parce que la donne économique a changé. Aujourd’hui, il faut investir beaucoup pour gagner peu. De notre temps, c’était plutôt le contraire. Prenons l’exemple de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), nous sommes taxées, aujourd’hui, à près de 19% alors qu’en 1960, nous l’étions seulement à 1%.