Célébrées à Cannes (sud de la France), dans une fête telle qu’on n’en avait pas connue depuis plusieurs décennies, les noces d’Hollywood et d’Alger marquaient le pré-lancement de la chaîne de télévision par satellite Khalifa TV (KTV), qui commence petit à petit à émettre, sur Hotbird 5. Parterre d’étoiles pour décollage vertical.
La nuit du 3 au 4 septembre 2002 restera dans la mémoire de nombreuses stars de la planète, artistes, décideurs, financiers, chanteurs et acteurs confondus dans une méli-mélo exotique et joyeux… Somptueusement invités à Cannes, avion privé et nuit au Majestic (célèbre palace) et traités comme des princes dans la plus belle villa de la baie, au milieu d’un parc splendide planté d’essences rares et jalonné de flambeaux et de torches, illuminant des grottes et des cascades, des chemins dallés entre les pins, escortés par d’improbables colosses blancs demi-nus, tous muscles dehors, pareils à des gladiateurs antiques, et formant des haies d’honneur…
Stars, strass et paillettes
La soirée commença au coucher du soleil, somptueux, sur la baie de Cannes, qui évoquait par son profil la baie d’Alger tellement voisine. Gérard Depardieu, à peine remis de son accident de moto, et Cheb Mami, détendu comme à la maison, devisaient près de la piscine. Patrick Bruel courait derrière son amie, qui s’était déchaussée pour traverser une cascade sans ses talons, et se retrouvait pieds nus, souliers à la main, dans les salons profonds. Le Prince et la Princesse Murat admiraient la performance. Non loin de là Catherine Deneuve, royale, recevait les hommages d’un Ricky Martin enflammé d’admiration.
Emmanuel de Brantes, un chroniqueur mondain, lâchait de brèves formules, lapidaires et jolies, appuyé sur une canne à la suite d’une entorse, et sa silhouette redressée semblait le croisement parfait des excès de Robert de Montesquiou et du port retenu de Jean-Louis de Faucigny-Lucinge. Saïd Taghmaoui, sorti de ses rôles de prince de la rue, citait royalement Cioran. Délicate et charmante, Patricia Arquette, la soeur de Rosanna, parlait avec Luc Besson au bord d’une terrasse vertigineuse que d’immenses bouquets de roses éclairaient comme des candélabres. Paul Belmondo ne la quittait pas des yeux, tout en écoutant Louisa Maurin lui raconter un récent déjeuner avec Jean-Paul, chez « Le Père Claude », à Paris. Passait à côté d’eux Naomi Campbell, splendide et épurée, accompagnée de son jeune compagnon latino qui offrait des carambars à Véronique Sanson, impressionnée par la star : « C’est incroyable comme elle est belle quand même… »
L’émotion au rendez-vous
Et le concert commença, dans le petit théâtre de verdure dominant la baie : Sting en était le maître d’oeuvre, le chef d’orchestre chaleureux, avec à ses côtés une brochette de talents : la musique coulait naturellement et abondante comme si l’amitié la guidait vers ce repli des coteaux cannois : ouverture déchirante avec Andréa Bocelli, puis passes d’armes fraternelles avec Cheb Mami, ou avec Ricky Martin… L’italien, puis l’anglais et l’arabe algérien se mêlaient sur des rythmes nouveaux. Soudain l’émotion saisissait l’assistance : la passion de la musique disait autre chose qu’un moment de plaisir partagé, une sorte de confiance dans un avenir métissé où les créateurs pourraient marier leurs styles et leurs talents. Jack Lang s’était levé, il dansait non loin de Rafik Khalifa, le maître des lieux, hôte parfait et discret, de Louisa Maurin, parfaite directrice du Festival du Film de Paris, et d’Henri Giscard d’Estaing, le fils de l’ancien président, patron de Jet Tour, non loin de l’acteur Jacques Weber. Le tout sous les yeux attentifs des caméras de KTV, cette nouvelle télévision dont le baptême nous rassemblait. Clin d’oeil volontaire ou non, le même soir, TF1 diffusait Jet Set, le film : mais la réalité dépassait la fiction.
Puis venait le dîner, impérial et classique. Hervé Bourges arborait une chemise Pateo, en hommage à Mandela, en cette fin de Sommet de la Terre à Joburg, et Gérard Depardieu rugissait : « Hervé, ta chemise me fait bander », arrachant un rire cascadant à Catherine Deneuve. Les hauts chandeliers couverts de roses brillaient au-dessus des convives : Guy Dutheil, du Monde, semblait bien seul à s’interroger : « Mais d’où provient tout cet argent ? ». Que t’importe ?.. Semblait répondre Agnès Soral, l’héroïne de Tchao Pantin, penchée au bras d’un jeune acteur américain…
Une ère nouvelle
Tous avaient conscience que les noces célébrées en ce lieu magique, en cette fin d’été 2002, donnaient une autre forme à la mondialisation dont Rafik Khalifa nous disait aussi, avec force et justesse, qu’elle était la nouvelle dimension nécessaire dans laquelle il fallait concevoir l’économie de l’audiovisuel. Dans un long aparté avec Hervé Bourges et Eric Ghebali, le patron du premier groupe privé algérien évoquait alors l’importance, à ses yeux, de la réussite de « Djazaïr, Une Année de l’Algérie en France », programmée pour 2003 : « le dialogue des cultures, c’est ce que nous voulons provoquer ce soir, c’est la vocation de notre télévision, sans exclure les américains ! » Et certes, cette soirée magique avait aussi un goût d’Hollywood : Frédéric Ferney, l’astucieux littéraire de France 5, évoquait les grandes nuits du Festival… Quand les majors américaines défrayaient la chronique cinématographique. C’était tout à coup la Croisette mythique qui revivait, pour une nuit, saluant la naissance d’une nouvelle chaîne, à cheval sur la Méditerranée. Comme une promesse de création et de fraternité nouvelle. Longue vie à Khalifa TV. Longue vie à l’Algérie nouvelle.