Lors d’un meeting de son parti à Lyon, Vendredi, Marine Le Pen a fait un parallèle entre les prières de rues pratiquées par certains musulmans et l’occupation de la France par les forces nazies. Des associations de défense des droits de l’homme annoncent des plaintes en justice. Les associations musulmanes appellent à manifester jeudi à Lyon.
Colère et indignation en France, après la dernière provocation de Marine Le Pen, qui, vendredi, a comparé les musulmans priant dans les rues des villes françaises à une force d’occupation. Ce lundi, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) qui juge les propos de la vice-présidente du Front national (FN) « dénigrants » à l’endroit des musulmans a annoncé qu’elle saisirait le parquet de Paris d’une plainte contre elle, pour « provocation à la discrimination, à la haine et à la violence ». Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) a annoncé qu’il poursuivrait une démarche similaire. De leur côté, plusieurs organisations cultuelles musulmanes ont appelé à un rassemblement de protestation ce jeudi au cimetière de la Doua, à Villeurbanne, près de Lyon.
Vendredi, lors d’une réunion interne de son parti à Lyon, Marine Le Pen, en campagne pour succéder à son père Jean-Marie à la tête du FN, avait lancé une diatribe digne de son prédécesseur. «Il y a quinze ans on a eu le voile, il y avait de plus en plus de voiles. Puis il y a eu la burqa, il y a eu de plus en plus de burqa. Et puis il y a eu des prières sur la voie publique (…) maintenant il y a dix ou quinze endroits où de manière régulière un certain nombre de personnes viennent pour accaparer les territoires», avait-elle déclaré. Elle avait poursuivi : « c’est une occupation de pans du territoire, des quartiers dans lesquels la loi religieuse s’applique, c’est une occupation. Certes y’a pas de blindés, y’a pas de soldats, mais c’est une occupation tout de même et elle pèse sur les habitants.»
Condamnation unanime
Tout le week-end, les membres de la classe la classe politique française, toutes tendances confondues, ont condamné ces propos. Dans la communauté musulmane, l’indignation est d’autant plus profonde que la ville de Lyon où s’est exprimée Marine Le Pen constitue un haut lieu de mémoire pour leur engagement dans la défense de la France. « Les musulmans de Lyon s’élèvent avec force contre les propos injurieux tenus dans leur ville par la vice-présidente du Front National, Mme Marine Le Pen. Ces propos constituent une insulte à la mémoire des musulmans qui sont morts pour la France. Les musulmans de Lyon invitent Mme Le Pen à venir visiter les cimetières de la Mulatière, de la Doua à Villeurbanne ou celui du tata sénégalais à Chasselay. Elle pourra alors se recueillir sur les tombes des ancêtres de ceux-là même dont elle a l’outrecuidance de comparer aujourd’hui à l’occupant », a écrit, dans un communiqué, l’Union des organisations de France (UOIF), qui appelle à manifester ce jeudi.
Interrogé ce dimanche par France Info, le recteur de la grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a lui aussi critiqué le peu de mémoire de la vice-présidente du Front national. « Ma première impression c’est qu’elle a dû oublier l’apport important des musulmans durant les épreuves nationales de la France », a-t-il affirmé. Pour lui, si les musulmans prient dans les rues, c’est par manque de mosquées. « Je ne pense pas que les musulmans cherchent à prier d’eux-mêmes dans la rue, ou qu’ils recherchent des trottoirs pour faire leur prière… Il y a un nombre important de fidèles comme dans toutes les religions. Mais il y a un tel retard dans la construction des mosquées que la foi musulmane, la religion musulmane ne trouve pas suffisamment de lieux de cultes décents. Et cela a été le problème pendant des années », a-t-il expliqué.
Récidive
Au Front national, les attaques contre l’islam sont récurrentes. Dans certains cas, elles ont entraîné des sanctions pénales, dans d’autres, non. Lors de la compagne pour les élections régionales, en mars dernier, le parti d’extrême-droite avait imprimé puis placardé des affiches sur lesquelles on pouvait lire « Non à l’islamisme ». Ces mêmes affiches figuraient une femme entièrement voilée, une carte de la France dominée par un drapeau algérien et coiffée de sept minarets en forme de missile. Elles avaient été interdites par la justice. Poursuivi par SOS Racisme pour incitation à la haine envers la population musulmane, Jean-Marie Le Pen, le président du Front national, avait toutefois été relaxé par le tribunal de grande instance de Paris, lequel avait estimé qu’il n’était pas l’auteur des affiches et ne pouvait donc pas en répondre pénalement.
En février de l’année dernière, la cour d’appel de Paris avait cependant condamné Jean-Marie à 10 000 euros d’amende et à 5 000 euros de dommages et intérêts à la LDH, pour ses propos islamophobes. Six ans plus tôt dans une interview accordée au quotidien Le Monde, il avait déclaré : « Le jour où nous aurons en France, non plus 5 millions mais 25 millions de musulmans, ce sont eux qui commanderont. (…) Les Français raseront les murs, descendront des trottoirs en baissant les yeux. Quand ils ne le font pas, on leur dit: « qu’est-ce que tu as à me regarder comme ça, tu cherches la bagarre ? ». Et vous n’avez plus qu’à filer, sinon vous prenez une trempe. »