Une jeune gabonaise de 18 ans, Chrisna Moulady, inscrite en première année de droit à l’université Omar Bongo (UOB) de Libreville, a dénoncé en novembre, à quelques jours seulement du début des cours, le phénomène des moyennes sexuellement transmissibles (MST) dans le milieu éducatif gabonais et sa corolaire : le harcèlement sexuel dont sont victimes les étudiantes de la part de certains enseignants « prédateurs ». Afrik.com l’a rencontrée dans les couloirs de l’université avec quelques uns de ses collègues et s’est entretenu sur le sujet avec des enseignants de la faculté et des lycées de Libreville. Reportage.
Notre correspondant à Libreville
Le phénomène des moyennes sexuellement transmissibles est l’une des causes du baisse de niveau scolaire des élèves notamment les jeunes filles et illustre de manière flagrante la dévalorisation du noble métier d’enseignant, analyse Chrisna Moulady . Elle a été confrontée très jeune, en classe de quatrième seulement, à cette dure réalité que beaucoup de jeune filles subissent en silence dans les lycées et campus. Elle fait partie de ces élèves qui ont été un jour trahies par leurs enseignants. Son professeur de français l’invitait à son domicile privé souvent après les devoirs et lui demandait de choisir la note qu’elle voulait quelque soit son travail. « Je n’ai pas trouvé cela sérieux et je n’avais pas besoin de notes de complaisance pour réussir, et ayant compris que cette proposition faisait partie de sa technique d’attraction et n’était qu’un leurre, j’ai refusé l’offre et je me suis retirée en douce » nous a révélé Chrisna Moulady
« Je ne répondais plus à ses rendez-vous, et je ne voulais plus le voir. Mais en classe je devais supporter sa présence. Tout cela pesait sur ma pauvre tête et je ne savais pas comment en parler avec mes parents. Je faisais tout pour ne pas lui manquer de respect ; et j’avais gardé le silence pour me protéger, ayant peur des représailles. Lui ne me parlait plus et refusait même mes bonjours » a ajouté l’étudiante. « Les filles doivent se mettre au travail et éviter de tomber dans la facilité et si nous voulons que l’on nous respecte, il faut batailler fort. Les enseignants sans scrupule profitent souvent de nos faiblesses et de nos difficultés pour nous transformer en objet sexuel pour satisfaire leur libido. Nous devons cesser de nous ridiculiser. C’est très avilissant de sortir avec son prof pour arrondir ses notes , et certains profitant de notre vulnérabilité couchent avec plusieurs filles dans la même salle de classe sans se préoccuper de notre dignité et de notre avenir » a dit la jeune fille à l’endroit de ses camarades.
« Il faut travailler car, plus tard, nos lacunes nous suivent et il faudra les résoudre un jour. Voyons, les résultats des différents examens officiels montrent que les premiers en classe sont les derniers parce que, les notes de classe ne reflètent pas toujours le niveau des élèves avec l’expansion incroyable des MST », a expliqué Chrisna.
Les enseignants dénoncent les provocations des jeunes filles
Ce phénomène est une épine aux pieds du système éducatif gabonais et les tors sont partagés, selon certains professeurs. « Les filles paresseuses se jettent elles-mêmes dans la course aux bonnes notes, surtout en fin de trimestre en utilisant tous les artifices possibles pour s’attirer le regard des enseignants. Elles n’ont pour seule arme que la séduction et le jupon. Elles savent bien que sortir avec un prof est une garantie pour avoir la moyenne dans toutes les matières par le jeu de parrainage », nous a révélé un enseignant de lycée qui a requis l’anonymat avant de rappeler aux filles le grand devoir qu’elles ont aujourd’hui à préparer leur avenir à travers le travail et le mérite car, précise-t-il, « ce qui compte ce n’est pas la note mais la connaissance et le savoir faire. »
« Nous devons éviter de tomber dans les bassesses et faire preuve de probité morale et intellectuelle. Mais il faut attirer aussi l’attention des parents pour donner une éducation décente à leurs enfants. Il y a des élèves qui provoquent aussi les enseignants » nous a confié également Diouf, enseignant de français au lycée Paul Indjendjet Gondjout de Libreville.
En tout cas pour Chrisna , le personnel administratif et les responsables des établissements scolaires doivent être à l’écoute des jeunes filles et s’atteler à les protéger en cas du harcèlement sexuel. Beaucoup de filles souffrent en silence dans les salles de classe et n’osent pas en parler car, estime la jeune fille, par solidarité souvent du corps enseignant, les élèves n’ont jamais raison et pour avoir refusé un rendez-vous d’un enseignant, on risque de se voir coller un faux motif valant une exclusion temporaire ou définitive. Aussi souhaite –elle l’implication de l’Etat en matière de protection des jeunes filles en milieu scolaire par la création des bureaux d’écoute dans tous les établissements secondaires et universitaires du Gabon où les filles en situation difficile pourront se confier sans crainte.
Au lycée d’application Nelson Mandela, les responsables font tout pour assurer la protection des jeunes filles, nous confié madame Akoué , censeur dans ce lycée. Les salles de classes sont fermées après chaque journée de classe et les cours de soutien sont interdits dans l’enceinte de l’établissement, les enseignants profitant souvent de ces cours pour prendre des rendez-vous avec les filles ciblées. Le ministère de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur devraient prendre au sérieux ce phénomène qui prend de l’ampleur dans le milieu éducatif gabonais et trouver des moyens pour le juguler dans une perspective d’amélioration des résultats et des performances des apprenants. Ce phénomène joint à celui des effectifs pléthoriques dans les établissements scolaires de la capitale gabonaise révèle la mauvaise santé du système éducatif gabonais rongé depuis plusieurs années par des grèves récurrentes et un fort pourcentage d’échec aux examens
officiels.
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Sur la photo : Chrisna Moulady