Les relations entre la France et l’Afrique subsaharienne sont marquées par des tensions concernant la liberté de la presse. Un nouvel épisode illustre cette problématique avec la suspension de la chaîne d’information LCI au Mali. Cet évènement pose des questions sur l’accès au pluralisme de l’information dans la région.
Les autorités maliennes du colonel Assimi Goïta ont suspendu pour une période de deux mois la chaîne d’information LCI, filiale de TF1. Cette suspension, qui a pris effet le 23 août 2024, a été justifiée par ce que les autorités maliennes ont qualifié de diffusion de « fausses accusations » formulées par un consultant de LCI, contre l’armée malienne et ses alliés russes, notamment le groupe paramilitaire Wagner. En cause une émission diffusée le 27 juillet 2024, intitulée « Wagner décimé au Mali : la main de Kiev », LCI avait alors évoqué la lourde défaite subie par l’armée malienne et Wagner face aux séparatistes et jihadistes dans le nord du pays.
Cette décision de suspension s’inscrit dans un contexte de répression accrue de la presse étrangère au Mali, où les correspondants de plusieurs médias internationaux ont été contraints de quitter le pays ou de cesser leurs activités. Les autorités maliennes ont retiré de nombreux médias des bouquets de tous les distributeurs audiovisuels autorisés au Mali, privant ainsi une part importante de la population malienne d’une source d’information internationale.
Les raisons sous-jacentes de la suspension
La suspension de LCI, comme d’autres suspensions de médias français en Afrique subsaharienne, est motivée par plusieurs facteurs. Les autorités maliennes réagissent à ce qu’elles considèrent comme des attaques contre la souveraineté et la stabilité du pays. Ainsi, les reportages et analyses portant sur des sujets sensibles, tels que les opérations militaires et les alliances avec des acteurs extérieurs comme Wagner, sont perçus comme des menaces à l’autorité du gouvernement.
En outre, cette suspension est le reflet des tensions politiques actuelles au Mali. Depuis la prise de pouvoir par les militaires, le gouvernement malien a montré une sensibilité accrue à toute critique perçue comme venant de l’étranger, en particulier de l’ancienne puissance coloniales qu’est la France. LCI, en tant que média français, est ciblée tant pour le contenu de ses émissions qu’en raison de la méfiance à l’égard de l’influence française qui persiste dans le pays.
Conséquences de la suspension et contexte régional
La suspension de LCI au Mali s’inscrit dans un contexte régional où le Niger et le Burkina Faso notamment ont également pris des mesures similaires contre les médias français, renforçant l’isolement de la population civile.
Depuis 18 mois, plusieurs suspensions de médias français en Afrique subsaharienne ont marqué une escalade des tensions entre les gouvernements de la région et la France. Au Burkina Faso, la chaîne LCI a été suspendue en juin 2023, après l’arrêt forcé de RFI en décembre 2022 et France 24 en mars 2023, pour avoir diffusé des informations jugées subversives par la junte au pouvoir.
De manière similaire, au Niger, les nouvelles autorités ont décidé en août 2023 de suspendre les signaux de RFI et de France 24, emboîtant le pas au Mali et au Burkina Faso. Ces suspensions, souvent justifiées par la protection de la sécurité nationale ou la crainte de déstabilisation, illustrent une méfiance envers les médias français, perçus comme des vecteurs d’influence étrangère et des critiques des régimes en place. Ces actions ont des conséquences profondes, non seulement pour la liberté d’information, mais aussi pour la démocratie et les relations internationales.