Le peuple Malinké occupe aujourd’hui une région isolée du Sud-Est du Sénégal, traditionnellement appelé le Niokholo. Leur histoire les rattache au grand Empire du Mali, d’où ils seraient arrivés après sa partition en petits royaumes. Les proverbes sont la sagesse orale qu’ils en ont héritée…
Arrivés dans le Niokholo entre le XVIème et le XVIIème siècle, les premiers clans malinkés portaient les noms de Sadiakhou, Camara, et Keita. Leur lutte contre les envahisseurs Peuls du Fouta-Djallon, à la fin du XIXème siècle, est restée dans les mémoires.
N’ayant jamais constitué d’entité politique au-delà du village et de son terroir, les Malinkés sont toujours organisés, dans le Sénégal moderne, sous forme de villages dirigés par des chefs qui servent d’intermédiaires entre le pouvoir central et la population, manifestant une certaine résistance à l’assimilation dans un cadre national.
Leur résistance à l’envahisseur Peul a entraîné aussi une résistance à l’expansion de l’Islam : la grande majorité des Malinkés continue de pratiquer la religion traditionnelle, le « chemin des ancêtres ». De même leur résistance à l’influence du colonisateur français a été durable. C’est de ce respect de leur culture originelle qu’ils conservent un prodigieux ensemble de Proverbes, un sagesse permanente imperméable aux aléas du temps… Petit recueil de ces perles d’expérience et de pensée.
L’eau pure n’épaissit pas
« L’eau pure n’épaissit pas » : celui qui excelle n’est pas devenu excellent tout seul, il a eu un modèle et un maître, qu’il parvient à égaler.
« Tu as beau courir, tu ne doubleras pas ton derrière » : à dire à celui qui est trop pressé…
« Un seul chemin, ce n’est pas le chemin » : ce qui n’est pas possible lors d’une première tentative, on l’obtiendra une autre fois ! Il faut rester patient et chercher une autre voie.
« Un seul voyage au Fouta ne fait pas de quelqu’un un Diallo » : autant dire les origines ne s’oublient pas en un jour et qu’une identité ne se forge qu’avec le temps.
Un vieux est un remède
« Un vieux est un remède » : par l’expérience, par la sagesse, par la mémoire qu’il possède, l’ancien est apte à soigner les maladies comme les discordes.
« Tu es l’ombre d’un grand rônier » : le feuillage du rônier, arbre de grande taille, porte son ombre loin de son tronc, et bien peu à son pied. Ainsi celui qui donne beaucoup aux autres, et peu aux siens, qui aide avec générosité des étrangers, mais oublie de s’aider lui-même et ses proches.
« On ne met pas ses deux pieds ensemble dans l’eau » : on ne peut pas avoir tout en même temps !
« C’est la pluie qui tombe petit à petit qui remplit le fleuve » : tout ne se fait pas en un jour, il faut accumuler les efforts successifs.
« On n’achète pas une vache pour son meuglement » : avant de choisir un travailleur, il faut juger comment il travaille…
« On ne lance pas la parole à quelqu’un » : à celui qui s’est éloigné et n’écoute pas, il est inutile de vouloir enseigner la sagesse, il ne l’entendra plus.
« La parole est une chose qui ne pourrit pas » : une parole donnée ne s’oublie pas, les sagesses apprises restent enracinées.
Les Proverbes Malinkés sont l’illustration même de cette profonde confiance qu’ils expriment dans la parole. Culture orale, rarement et tardivement transcrite, cette tradition s’est perpétuée dans la confiance qu’elle exprime dans sa propre mémoire orale. Leçon vivante qui a traversé les siècles et où il n’est pas interdit de continuer à puiser.
NB : pour aller plus loin dans cette traversée, cf « Proverbes malinké« , éditions CILF EDICEF, collection Fleuve et Flamme, proverbes recueillis et traduits par Gérard Meyer, avec la collaboration de Jean-Raphaëm Camara et de Fonsa Camara (édition bilingue avec le Laboratoire des Langues et Civilisations à Tradition Orale, LP 3.121, du CNRS).
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