Le Directeur général de France Terre d’Asile, Pierre Henry, tire la sonnette d’alarme. Son association est débordée par un afflux important d’Algériens, majoritairement Kabyles, demandant l’asile politique. Interview.
L’association France Terre d’Asile a enregistré 1 500 demandes de domiciliation de la part de ressortissants algériens demandeurs d’asile politique. Autant de demandes que durant toute l’année 2000. Le Directeur général, Pierre Henry, s’inquiète de ce phénomène.
Afrik : Vous dites que le nombre de demandeurs d’asile territorial dépasse vos capacités d’accueil. Le phénomène est-il récent ?
Pierre Henry : Nous avons reçu en deux mois autant de demandes que durant toute l’année dernière. Notre antenne parisienne a reçu plus de 1 500 demandes de domiciliation provenant de ressortissants algériens depuis le mois d’août dernier. Les demandes ont été multipliées par trois en deux mois ! C’est très inquiétant car cela dépasse nos moyens.
Afrik : Que signifie une demande de domiciliation ?
Pierre Henry : Une circulaire de 1985 prévoit que tout demandeur d’asile doit obtenir une domiciliation auprès d’un tiers, d’un avocat ou d’une association. La domiciliation privée coûte entre 1500 et 3000 F, ce qui n’est pas acceptable. Chez un avocat cela coûte cher aussi. Auprès de notre association, les demandeurs d’asile territorial ont une domiciliation postale et médicale. La domiciliation postale est indispensable pour obtenir la fameuse autorisation provisoire de séjour.
Afrik : Qui sont ces demandeurs d’asile ?
Pierre Henry : Ce sont des Algériens qui viennent avec un visa de court séjour et enchaînent ensuite sur des demandes d’asile territorial. 80% d’entre eux sont d’origine kabyle. Ils fuient les évènements qui se déroulent en Kabylie, en Algérie en général. C’est très inquiétant pour l’Algérie car après le départ de l’élite, c’est la classe moyenne qui quitte le pays. La politique de délivrance des visas est moins restrictive et cela a contribué à amplifier ce phénomène ! Il faut que la France et l’Algérie assument leur politique !
Afrik : Vous voulez dire qu’il faut que la politique de la délivrance des visas redevienne plus restrictive ?
Pierre Henry : Non ! C’est inhumain de ne pas favoriser l’aller-retour des personnes ayant des attaches des deux côtés de la méditerranée. Il faut expliquer aux postulants à l’asile territorial que seuls 5 % d’entre eux auront une réponse positive. Le reste vivra dans la précarité car ils n’auront jamais droit au travail.
Afrik : Quel est justement le sort de ces derniers ?
Pierre Henry : Ils sont un facteur de déstabilisation de la société dans son ensemble. Les demandeurs d’asile, en attendant une réponse de la préfecture qui est souvent négative, sont interdits d’accès au travail. Ils n’auront d’autre choix que de tomber dans la délinquance de survie, le travail au noir, et dans l’assistanat. Les guichets sociaux sont débordés.
Afrik : C’est donc l’impasse ?
Pierre Henry : On ne peut pas demander à des organismes sociaux, à des ONG comme nous d’assumer par une réponse sociale ce qui est, ou ce qui n’est pas, d’ailleurs, une politique étrangère. L’Algérie encourage son élite et sa classe moyenne à partir et la France, par inadvertance, avalise ces départs. Je réclame un peu de visibilité et de cohérence.