Il y a trois semaines, nous avons hélas appris la mort de nos confrères Tawfiq Bin Saud (18 ans) et Sami Al-Kawafi (17 ans). C’était un vendredi soir. La voiture que conduisait Bin Saud a été prise pour cible par des hommes armés ; lui et Al-Kawafi ont été tués alors que le troisième passager assis à l’arrière du véhicule a été épargné.
Bin Saud et Al-Kawafi faisaient partie des jeunes activistes libyens les plus engagés. Malgré leur jeune âge, ils nourrissaient de grands espoirs et avaient la capacité d’atteindre l’objectif qu’il s’était fixé : la paix dans leur pays. Ils participaient à de nombreuses initiatives menées par les jeunes et passaient de longues heures à défiler dans la rue avec des banderoles pour dénoncer la violence. Le mois dernier, Bin Saud et Al-Kawafi ont payé de leur vie leur engagement pour leur pays. En dépit de cette tragédie, nous – les jeunes de Libye – devons continuer à porter la bannière de la paix et à avancer sans faiblir.
Peur d’être pris pour cible à tout moment et en tout lieu
Compte tenu des menaces réelles qui pèsent sur les jeunes activistes, j’éprouve souvent un sentiment d’insécurité et j’ai peur – et les jeunes activistes en général ont peur – d’être pris pour cible à tout moment et en tout lieu. Toutefois, comme beaucoup de jeunes, j’ai confiance dans mes idées et je suis convaincu que l’action non-violente est la voie à suivre. Rien ne nous arrêtera. Nous ne relâcherons jamais nos efforts en tant que chefs communautaires et artisans de la paix. Si nous n’œuvrons pas contre la violence qui donc le fera ? Je rêve de vivre dans un pays en paix et je dois lutter pour que mon rêve se réalise. Je pense que les jeunes peuvent être les bâtisseurs de la paix d’aujourd’hui. Le sang des innocents nous pousse à continuer notre marche pour la paix.
Les initiatives menées par les jeunes sont nombreuses en Libye. L’une des plus importantes étant sans doute l’initiative intitulée Assez de violence, lancée le 15 juillet dernier par un groupe sur Facebook. Des milliers de jeunes ont répondu avec enthousiasme à cette initiative de paix. C’est ainsi que des activistes de la société civile ont collé des affiches sur les murs et réclamé la fin des dissensions et de la violence en Libye. Les manifestations ont eu lieu près de la place des Martyrs où plus de deux mille Libyens avaient protesté durant la révolution de 2011. Comparé à d’autres manifestations et étant donné que les Libyens ont peur des espaces publics du fait de l’insécurité qui règne dans le pays, ce grand rassemblement témoigne de l’engagement actif de la jeunesse libyenne et de son désir de s’exprimer de façon non-violente, malgré les risques.
La jeunesse privilégie courageusement la non-violence
Sounaa al Salam (Faiseurs d’espoir) dont je suis le directeur exécutif, est un autre exemple qui montre que la jeunesse privilégie courageusement la non-violence. Faiseurs d’espoir travaille actuellement sur un projet qui vise à combattre l’extrémisme violent et à responsabiliser les femmes dans la société, en renforçant la culture du dialogue en Libye. Ce projet rassemble des groupes de jeunes responsables, hommes et femmes, originaires de six villes libyennes (Tripoli, Benghazi, Misrata, Jado, Zliten et Gharyan) pour réfléchir à la diffusion de la culture de la paix au sein de communautés divisées grâce à l’éducation et à des actions de sensibilisation au moyen des médias.
L’une des initiatives les plus importantes de Faiseurs d’espoir a été menée pendant les élections parlementaires organisées en juin 2014 pour favoriser un scrutin pacifique. Les jeunes ont travaillé auprès de la base, approchant directement ou indirectement les citoyens opposés aux élections afin de les encourager à voter. Le dialogue a pris des formes diverses, y compris à travers des programmes radiophoniques et télévisés. J’ai présenté une émission-débat sur AlRassmiya TV intitulée « liqaa’maa » (Entretien avec). Des citoyens de classes sociales et de milieux différents, et aux idéologies diverses étaient invités pour discuter des résultats positifs du processus électoral permettant la mise en place de l’Etat de droit et des institutions. Cette émission visait à montrer l’importance des élections démocratiques et du dialogue par rapport à la violence lorsqu’il s’agit d’aborder des points de vue divergents.
Encore des jeunes qui œuvrent pour la paix
En outre, plus de mille jeunes volontaires de Faiseurs d’espoir ont joué le rôle d’observateurs pendant les élections pour contribuer au processus électoral destiné à mettre en place un organe démocratique et légitime à la tête de la Libye, alors que le pays connaît actuellement le chaos. Le processus électoral s’est révélé fructueux grâce aux remarquables efforts des jeunes à travers le pays.
Malgré des incidents d’une tragique violence en Libye, il existe encore des jeunes qui oeuvrent pour la paix. Nous ne devons pas renoncer à nos idées et à nos objectifs. L’aide internationale et les actions militaires ne suffisent pas à résoudre le conflit en Libye. Nous – les jeunes responsables de Libye – sommes bien plus efficaces sur le terrain et bien plus forts que ceux qui appellent au carnage.
Souvenons-nous de Bin Saud et d’Al-Kawafi et des actions que les jeunes entreprennent pour lutter pour la paix. La jeunesse libyenne continue de se battre contre la violence et soutient les projets en faveur de la paix. Il nous faut aller jusqu’au bout du combat et l’emporter.
*Marouane Bakkit est journaliste et activiste en Libye. Cet article a été écrit pour le Service de Presse de Common Ground (CGNews).