Ils sont réjouis, les Ivoiriens. À défaut de caracoler en tête des classements (pour l’instant !), ils sont avant tout contents d’être là. Les trois ans qu’ils ont passé sans participer au Tour du Faso ont été vécus comme une longue période de vide. Pour un cycliste africain, manquer le plus important rendez-vous du Continent, cela reste forcément en travers de la gorge : « vous comprenez, c’est notre Tour de France à nous », précise Kouame Lokossoue, qui prend part à son deuxième Tour.
Les trois dernières saisons, il avait été jugé plus prudent par les autorités ivoiriennes de ne pas risquer le déplacement jusqu’à Ouagadougou pour le Tour du Faso. Pour des raisons de sécurité liées à la guerre civile, la région Est du pays était en effet vivement déconseillée, jusqu’à il y a peu de temps. Frustrés mais conscients des difficultés du moment, l’élite du cyclisme ivoirien n’a pas pour autant chômé. Car en dépit des problèmes que traversent le pays, les principaux acteurs impliqués dans le cyclisme ivoirien n’ont jamais cessé de soutenir leur sport. « Nous avons trois équipes que l’on peut considérer comme professionnelles, ce qui est rare en Afrique. C’est déjà une chance de vivre de notre sport, explique Coulibaly N’Gatta. Malgré la crise ivoirienne, nous avons toujours continué de courir puisque dans notre circuit national, une seule course a dû être annulée pendant cette période. »
Faute de grives, on mange des merles
Privés de Faso, le quarantenaire Filbert Nadogueu et sa bande ont exercé leurs jambes, en attendant, sur d’autres épreuves. Et en matière de préparation au Faso, les Ivoiriens n’ont pas hésité. Le 7 octobre dernier, ils ont quitté Abidjan à vélo pour rejoindre le Ghana (après deux séances d’entraînement de 127 et 91 km !), où ils ont participé au tour national, qu’ils ont remporté haut la main. Abdoulaye Traoré en tête, la Côte d’Ivoire a trusté les six premières places du classement général, avec en prime trois des sept victoires d’étape, histoire d’en laisser un peu aux autres : « quand on t’invite à manger, tu ne prends quand même pas tout le plat », rigole Kouame Lokossoue.
Nos bourlingueurs ont ensuite enchaîné par une traversée du Ghana puis du Togo en minibus pour arriver à Ouagadougou le soir de la présentation des équipes. « Un peu fatigués », avouent-ils. « J’ai commencé le vélo en 1999 et c’est la première fois que j’ai des crampes ! », s’étonne Ahmed Ouedraogo. Ce qui ne l’empêche pas d’occuper la 11ème place du classement général, en attendant mieux.