L’équipe du généticien Keith Cheng, de l’Université de Pennsylvanie, a identifié par hasard le gène responsable de la coloration de la peau humaine…
La science avance souvent par hasard, et ce fut encore le cas pour la découverte importante que vient de réaliser l’équipe du Professeur Keith Cheng, de l’Université de Pennsylvanie, aux Etats-Unis.
Des poissons-zèbres à l’homo sapens sapiens
C’est en effet au terme de dix ans de recherches sur les cancers du poisson-zèbre que les généticiens américains remarquèrent l’existence d’une curieuse mutation génétique affectant certains spécimens : ils portaient pâles et décolorées, les rayures noires caractéristiques de leur espèce (et qui lui ont donné son appellation).
La cause? Une raréfaction des mélanosomes, et donc une moindre proportion de mélanine dans l’épiderme… Or la mélanine est aussi responsable de la coloration de la peau chez les humains…
Après avoir identifié la séquence génétique responsable de cette pâleur singulière, l’équipe du Professeur Cheng eut alors l’astuce de la comparer au génôme humain, et identifia une très forte ressemblance (à 69%) avec le gène humain SLC24A5. Intrigués, les généticiens glissèrent un ARN messager calqué sur le SLC24A5 humain dans des embryons de poissons-zèbres trop pâles. Avec un résultat immédiat : leurs rayures foncèrent illico. En clair, malgré tout l’écart qui sépare l’homme du poisson, ce petit bout de gène fonctionne bien de la même manière chez les deux espèces…
Vérifie ton SLC24A5 !
La suite de l’enquête est statistique : interrogé, le catalogue des variations génétiques humaines connues, le « HapMap », livra son verdict. Il existe chez l’homme deux allèles du gène SLC24A5, qui sont diférenciés par un seul acide aminé. Chez tous les Africains, et chez les Asiatiques de l’Est, le SLC24A5 comporte un acide aminé dénommé « alanine », remplacé chez les Européens par un autre acide aminé, dénommé « thréonine ». L’alanine « code » la constitution dans l’épiderme d’un plus grand nombre de mélanosomes, et donc une plus forte teneur en mélanine.
Bien entendu, le SLC24A5 n’explique pas tout, et c’est en fait un réseau de gènes dans le code génétique humain qui détermine ensuite une plus ou moins forte pigmentation… Mais il est probablement décisif.
Les hommes blancs attirés par les nuages d’Europe…
Cette découverte ne dit rien en revanche sur les causes possibles de la répartition géographique des différents allèles du SLC24A5 autour du monde : qu’est-ce qui chassa du berceau africain vers l’Europe, il y a environ 40 000 ans, les homo sapiens mutants dépourvus d’alanine en ce point stratégique de leur génôme? Ces premiers hommes blancs cherchèrent-ils dans des contrées plus tempérées un soleil moins brûlant pour leur peau plus sensible? Ou la mutation eut-elle lieu plus tard, les peaux claires synthétisant plus de vitamine D, et s’imposant au Nord par sélection naturelle? Les partisans des deux thèses peuvent continuer de s’opposer…
Toujours est-il qu’une nouvelle fois la génétique prouve la profonde unité de l’espèce humaine, dont les différences morphologiques répondent à d’infimes détails génétiques. Nous sommes bien tous frères. Et une conclusion s’impose : même s’ils ne ressemblent plus vraiment aux poissons, les hommes restent de drôles de zèbres.