Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français est divisé quant à la pratique de la réfection d’hymen. Le Pr Israël Nisand fait partie des farouches opposants à cette opération, qu’il assimile à une « traite » des femmes. Explications.
Le Pr Israël Nisand ne veut pas entendre parler d’hyménoplastie. Ce gynécologue-obstétricien, exerçant au Centre hospitalier universitaire de Strasbourg (Est de la France), dénonce avec vigueur cette opération qui consiste en la réfection des hymens déflorés. Ce féministe nous explique pourquoi cette pratique le révulse et dénonce ceux qui, selon lui, s’enrichissent sur le dos de la souffrance des femmes.
Afrik : Pourquoi êtes-vous contre l’hyménoplastie ?
Israël Nisand : Les médecins qui réparent se font du pognon sur le corps des femmes. Pour moi, le mécanisme qui consiste à exiger que les femmes soient vierges et celui qui consiste à les réparer en se remplissant les poches est le même : c’est une maltraitance à l’égard des femmes. Il faut arrêter d’être complices d’un système machique. Je refuse d’être un maillon de la mise en esclavage, de la traite des femmes. Par traite, j’entends le système où les uns exigent la virginité et les autres sont obligées de se démerder pour payer. Et qui profitent de ça au final ? Les hommes, chez qui personne ne va vérifier si la taille du sexe est suffisante pour perforer l’hymen ! Tout est de la faute de la femme. Tout le monde profite des femmes. Alors moi j’interdis que l’on fasse cette intervention dans mon service.
Afrik : Les médecins qui pratiquent l’intervention évoquent la peur et la détresse que ressent leur patiente…
Israël Nisand : Les médecins qui ont peur ont surtout peur pour leur porte-monnaie ! Ils ont l’air de bonne foi, oui, mais pour leur porte-monnaie. Les médecins qui font ça sont la même racaille que ceux qui demandent aux femmes de rester vierges. A la limite, j’aurais un peu de respect pour un médecin qui opèrerait gratuitement.
Afrik : Avez-vous déjà pratiqué une hyménoplastie ?
Israël Nisand : La seule fois que je l’ai fait, je me suis demandé après le sens de cette médecine. Je me suis dit que si je poursuivais, je le ferais gratuitement car exploiter ça est une véritable honte. Mais, si mon féminisme m’interdit d’en faire, je ne laisse pas tomber les femmes. Je leur donne gratuitement un moyen pour qu’il y ait du sang dans le lit, comme utiliser du sang de poulet dans un fin sachet en plastique placé sous un drap, par exemple. L’homme n’y voit que du feu.
Afrik : Pensez-vous que les hommes ont une part de responsabilité dans les demandes d’hyménoplastie ?
Israël Nisand : Sur le plan du principe, qui cherche-t-on à tromper ? Dieu ou un homme ? Quand on vient demander cette opération, il s’agit de tromper un homme. Cela s’explique parce que les hommes ont mis leur honneur entre les cuisses des femmes. Les hommes ne s’imposent pas la virginité alors qu’ils courent après des femmes vierges. Ça, c’est la loi des hommes machistes, pas la loi de Dieu ! Tout ça alors qu’une femme sur deux ne saigne pas lors de son premier rapport et qu’il y a des familles entières où les femmes ne saignent pas. C’est pour ça que, depuis la nuit des temps, les familles s’organisent. Les mères apprennent leur fille à se débrouiller pour qu’il y ait du sang dans le lit.
Afrik : Pensez-vous que les femmes devraient refuser de se soumettre à l’attitude « machiste » des hommes ?
Israël Nisand : Quand on regarde entre les jambes d’une femme pour voir si elle est vierge, on la traite comme une vache. Une femme qui se laisse traiter comme un objet une fois sera traitée comme un objet toute sa vie. Quand, au nom de la religion et de la tradition, on laisse examiner sa virginité, cela dégrade la situation des femmes en France. C’est ce que j’apprends aux lycéens que je vois deux heures par semaine : les filles ne doivent pas se laisser imposer la virginité par un homme qui court à droite à gauche.
Afrik : Vos positions ont dû vous coûter de vives critiques, non ?
Israël Nisand : On m’a déjà injurié pour avoir dit ça. Mais moi, mon honneur, il n’est pas entre les cuisses de ma femme. Vous vous imaginez qu’en Jordanie on tue une femme qui est juste suspectée de ne plus être vierge ?!