Qu’on ne s’y trompe pas, Emmanuel Macron est bel et bien en campagne pour sa réélection à la tête du pays. Le Président français multiplie les annonces, tantôt pour soigner sa gauche, tantôt pour plaire à son électorat de droite. Dernière action en date, la pleine reconnaissance de la responsabilité de la France dans le drame des harkis et sa demande de « pardon ».
Une cuillerée d’avancées sociales par-ci, un soupçon de devoir de mémoire par-là. La recette est savoureuse et le cuisinier la maîtrise à la perfection. On imagine le chef de l’Etat, chaque nuit après ses quelques heures de sommeil – quand le pays dort – mariant les ingrédients, testant les accords entre mets, goûtant les plats pour s’assurer que la mayonnaise prend.
Cynisme politique
En annonçant une loi de reconnaissance de « l’abandon » des Harkis par la France, en demandant « pardon » – formule peu habituelle pour un président de la Ve République garant des institutions, œillade à l’électorat catholique – et en promettant des réparations, Emmanuel Macron ne fait pas que sortir le carnet de chèques.
Le Président français fait des Harkis, à nouveau, encore et toujours, la variable d’ajustement de la France. Encore une fois, les Harkis et leurs descendants sont utilisés pour servir les desseins de la France ou de ceux qui la dirigent. Pour ceux qui ont la mémoire courte, rappelons que Nicolas Sarkozy avait usé des mêmes ficelles en reconnaissant l’abandon des Harkis par la France. C’était en avril 2012, peu avant le second tour de sa campagne présidentielle perdue face à François Hollande.
En promettant réparation – l’autre nom de l’indemnisation – à quelques mois de l’élection présidentielle et de son inévitable candidature, le chef de l’Etat fait preuve d’un véritable cynisme politique. Il est par ailleurs tellement facile – et économe ! – d’indemniser des victimes quand il n’y en a presque plus. Et cela peut s’avérer payant électoralement.
A lire : La longue Marche des Harkis et des Pieds-Noirs pour la Reconnaissance
« Les promesses n’engagent que ceux qui y croient », aimait répéter l’ancien Président français Jacques Chirac. C’est l’essence même de l’histoire, diront les cyniques. Un matériau inerte et sans défense, tordu, vrillé par les gouvernants pour créer un roman national. Un tremplin sur lequel on prend appui pour satisfaire les besoins de communication du moment.
Une histoire française
C’est justement parce qu’il reste peu de survivants de la première génération qu’on ne peut soupçonner M. Macron de calcul politique, pourront rétorquer les naïfs. Hélas, le calendrier de cette annonce ne laisse que peu de doutes.
La blessure des Harkis, transmise de génération en génération, est une balafre. Un long sillon, creusé dans une terre qu’on a peine à reconnaître comme la sienne et qui donne des fruits contrits. Elle est trop grande pour être instrumentalisée.
En réalité, c’est parce que la destinée tragique des Harkis est intimement liée à l’histoire de France – sur le territoire métropolitain comme en Algérie – et qu’elle résonne au-delà de la communauté, qu’il est indécent de l’utiliser pour glaner des voix.
Reste le symbole et la portée de ce message. Ceux qui vont le recevoir, au premier rang desquels les Harkis et leurs descendants, sauront probablement fermer les yeux sur la chronologie de cette annonce, pour mieux entendre les excuses du pays qui les a – si mal – accueillis. Nul doute que leur besoin légitime de reconnaissance et d’apaisement les aidera à surmonter cette offense.
Un pays ne peut vivre sereinement que s’il regarde en face son passé, aussi douloureux soit-il, et sait reconnaître ses erreurs, dans un esprit ouvert et non partisan. Le « pardon » total est à ce prix.
Pour mieux comprendre l’histoire des Harkis, lire l’interview de Fatima Besnaci-Lancou : « L’histoire des Harkis a été déformée pendant cinquante ans »