En République démocratique du Congo, la tension est particulièrement vive dans la région du Kivu, dans l’Est du pays. Plusieurs groupes armés y sévissent, commettant des exactions contre la population dans l’impunité totale. Pourquoi est-ce que les autorités congolaises peinent à stabiliser cette région ? Qui sont ces différentes milices ? Que revendiquent-elles ? Eclairage.
C’est eux qui font la loi dans le Kivu. Les groupes armés, qui seraient près d’une centaine à sévir dans cette partie de l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), se battent en partie pour le contrôle de la région riche en ressources minières. Cette zone est leur terrain de jeu favori, pour toutes formes de trafic. Les populations payent le prix fort de cet appât du gain. Ils les exploitent financièrement et leur réclament des taxes de façon illégale. Sans compter la répression quotidienne. Les rebelles tuent, violent, recrutent des enfants soldats dans leurs rangs, échappant totalement au contrôle de Kinshasa, qui accuse le Rwanda et l’Ouganda de les soutenir. De son côté, l’ONU a également publié deux rapports, en juin et octobre 2012, accusant l’Ouganda et le Rwanda d’armer et de renseigner les rebelles du M23, confrontés à l’armée congolaise depuis mai dernier dans le Nord-Kivu. Des accusations rejetées par Kigali et Kampala. Joseph Kabila a réclamé des sanctions à leur encontre.
Les forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) sont également mises en cause dans l’instabilité de la région. Et sont aussi régulièrement accusées d’y commettre des exactions. Mal formées, mal équipées, mal organisées, elles peinent à imposer leur autorité. Pour Mugharabé, qui a créé une association pour récupérer les enfants soldats recrutés de force par les milices, « la situation dans le Kivu résulte de la chute du régime Mobutu. Depuis cette période, l’armée congolaise n’a pas été réorganisée. Il faudrait entièrement la reconstruire pour qu’elle puisse faire face aux différents groupes armés, qui profitent de l’absence des autorités pour exploiter les ressources du pays ». La République démocratique du Congo est actuellement « ingouvernable », fustige-t-il.
« Ce n’est pas aux casques bleus de fabriquer la paix »
Des critiques que le pouvoir rejette systématiquement. Selon un proche conseiller de Joseph Kabila, joint par téléphone, « L’armée congolaise a les moyens de défendre son territoire national malgré l’intervention directe du Rwanda et de l’Ouganda dans le conflit ». L’instabilité de la RDC arrange les affaires de beaucoup de personnes, tient-il à rappeler, « y compris les multinationales qui y mènent leurs activités. Beaucoup de milieu mafieux entretiennent des relations avec les multinationales ». C’est un vaste territoire, difficile à gérer, renchérit-il. « Mais si l’armée congolaise était incapable et ne faisait rien, il y aurait déjà eu la balkanisation du Congo depuis très longtemps ! ».
De même que l’armée congolaise, la mission de l’ONU en RDC (Monusco), qui comprend 17 000 hommes, chargée de maintenir la paix dans le Kivu peine à mener à bien sa mission. La population se plaint régulièrement de son inaction et inefficacité face aux exactions commises par les groupes armés. Mais cette force onusienne n’a pas l’ordre de combattre les rebelles ni d’ouvrir le feu sauf si elle est attaquée. Raison pour laquelle, l’ex-président français Jacques Chirac, la première dame Valérie Trieweiler, Mohamed Ali et de multiples autres personnalités ont publié une tribune commune dans le journal Le monde. L’objectif, réclamer à l’ONU de modifier les prérogatives de la Monusco afin qu’elle puisse intervenir dans le conflit pour mieux protéger les populations.
« Ce n’est pas aux casques bleus de fabriquer la paix dans le Kivu. Ce n’est pas eux qui regèleront ce conflit », estime cet humanitaire de l’ONG Oxfam, qui intervient à Goma, principale ville du Nord-Kivu. Il faut selon lui, plutôt chercher à mettre « des pressions contre le Rwanda et l’Ouganda pour leur participation dans ce conflit mais aussi contre la corruption de l’Etat congolais ».
Les principales milices dans le Kivu :
Le M23, confronté à l’armée congolaise depuis mai 2012 dans le Nord-Kivu, le groupe est particulièrement sous les feux des projecteurs médiatiques. Il est principalement composé de l’ex-rébellion pro-tutsie du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), qui était présidée par l’ex-chef rebelle tutsi Laurent Nkunda. Le M23, littéralement Mouvement du 23 mars 2009, ancêtre du CNDP, s’est baptisé de la sorte suite aux accords de paix signés le 23 mars 2009 avec les autorités à Kinshasa. Ils estiment qu’elles n’ont pas respecté leurs engagements. Le M23 réclame au gouvernement congolais, « le retour de tous les réfugiés, vivant à l’extérieur du pays, en exil ; la reconnaissance des grades formels négatifs de tous les officiers des groupes et ceux du CNDP en particulier, l’intégration politique des membres du CNDP au sein du gouvernement central ». Mais ironie du sort, les affrontements entre les rebelles du M23 et l’armée congolaise provoquent la fuite de milliers de personnes.
Les Forces démocratique de libération du Rwanda (FLDR), mouvement créé en 2000 regroupe les rebelles rwandais hutus qui affirment officiellement défendre les réfugiés hutus après le génocide du Rwanda de 1994. Kigali accuse régulièrement Kinshasa de les soutenir même si en 2009 Joseph Kabila a autorisé les troupes rwandaises à pénétrer sur son sol pour les traquer. Les tensions sont toujours vives entre les deux pays. L’ONU avait même publié un rapport l’été dernier, prouvant que Kigali soutient bien les rebelles. Suite à cette incrimination, plusieurs pays comme les Etats-Unis, alliés au Rwanda, ont suspendu leurs aides destinés au pays des mille collines.
L’armée de résistance du seigneur (LRA), créé en 1980 dans le Nord de l’Ouganda par Joseph Kony, a été chassée par les autorités ougandaises en 2006. L’objectif du mouvement était d’instaurer un régime théocratique chrétien fondé sur les 10 commandements. Elle commet de multiples exactions en République démocratique du Congo (RDC), mais aussi en Centrafrique et au Soudan du Sud mutilant les lèvres et oreilles de ses victimes pour terroriser la population. En avril dernier, le président ougandais Yoweri Musevini a envoyé des troupes pour tenter de le retrouver. Les Etats-Unis ont appuyé cette traque. Joseph Kony est toujours visé par un mandat d’arrêt international pour crimes contre l’humanité.
Les Maï Maï, milices ultranationalistes, auraient, selon une légende, la capacité, grâce à un rituel magique, d’être invulnérables aux armes à feu. Elles se seraient formées dans les années 90, décennie entachée de turbulences en République démocratique du Congo (RDC). Les Mai Mai, littéralement « eau » « eau », divisés en plusieurs groupuscules, ont été généralement formés par des seigneurs de guerre, des chefs tribaux traditionnels, des chefs de villages, ou des leaders politiques locaux. L’un des plus importants groupes est l’Alliance des patriotes pour un Congo libre et souverain (APCLS) qui entend mener un combat contre l’agression extérieure dont est victime le pays. Conscients de la faiblesse des forces armées de la République démocratique du Congo, ils affirment être présents dans le Sud et Nord-Kivu pour protéger la population des autres groupes armés. Les chefs Maï-Maï ont signé un accord de paix avec Kinshasa en janvier 2008. Mais ces derniers, alliés à l’armée congolaise dans la lutte contre le M23 à Goma et Sake, reprochent au gouvernement de ne pas les rémunérer comme il se doit en retour.
Les Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), accusés de meurtres, de viols, et d’exactions en tout genre dans la province de l’Ituri, le mouvement est très affaibli depuis que son fondateur Thomas Lubanga a été interpellé en 2005 en République démocratique du Congo puis transféré à La Haye en mars 2006. En mars 2012, lors de son procès il a été reconnu coupable de crimes d’enrôlement et de conscription d’enfants de moins de 15 ans au sein du FPLC et de les avoir utilisés et fait participer activement aux hostilités durant la période de septembre 2002 à août 2003. Il a été condamné en juillet 2012 à 14 ans de prison.
La Force de résistance patriotique en Ituri (FRPI), dirigé par le colonel Cobra Matata, la plupart des chefs de cette milice sont des déserteurs des FARDC), implantés dans la région de l’Ituri. Les membres du mouvement sont à la tête d’une coalition de quatre groupes armés rassemblés sous le nom de Cogai. Cobra Matata, élévé au rang de général par ses pairs, a exigé à la mi-octobre, à l’Etat-major général des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) d’accorder à toutes ses troupes l’amnistie avant de les intégrer dans l’armée.