Ils ne sont plus que deux religieux, Bernard et Henri, à faire vivre le souvenir du père Charles de Foucauld (1858-1916), à Beni-Abbès, dans le sud-est de l’Algérie. Visite.
A Beni Abbès, il y a un bâtiment en terre qui surplombe légèrement la palmeraie tout en se fondant totalement dans le paysage… C’est l’Ermitage du père Charles de Foucauld, construit de ses mains en 1901. Le lieu compte une petite chapelle qui a les pieds dans le sable, des dépendances organisées autour d’une cour au calme solennel et un jardin privé. « C’est une construction traditionnelle, en argile. Charles de Foucauld s’est inspiré de l’architecture de la région et des formes qu’il y voyait, comme celles des mosquées traditionnelles. Mais il avait vu un peu grand pour l’ensemble », explique le frère Bernard, qui vit ici depuis 6 ans. « Il pensait qu’il serait rejoint par de nombreux fidèles mais ça n’a pas été le cas et il est resté seul. Il avait des contacts avec les militaires de la garnison voisine – il y faisait les offices –, mais la solitude lui pesait. Alors, lorsqu’en 1905, il a eu une proposition pour partir s’établir à Tamanrasset, il n’a pas hésité. »
De fait, lorsqu’on évoque la vie de Charles de Foucauld, militaire de carrière, qui choisit de devenir religieux à 28 ans, c’est surtout à son ermitage de l’Assekrem (le plus haut sommet du Hoggar) ou sa « frégate » de Tamanrasset auxquels on pense.
Vivre ensemble
Pourtant, depuis quelques années, les circuits touristiques spécialisés ne font plus l’impasse sur Béni-Abbès, cette oasis hospitalière de la rive gauche de la Saoura. « Nous recevons régulièrement des groupes de touristes venus marcher sur les pas de Charles de Foucauld. Il y a des chrétiens français et européens, des coopérants. Ils partagent notre vie pendant quelques jours », explique le père Bernard. « Avec cet endroit, Charles de Foucauld voulait faire vivre son projet de fraternité, de vivre ensemble, c’est ce que nous essayons de perpétuer aujourd’hui. » Aujourd’hui, il n’y a plus que deux religieux, membres de la congrégation des Petits Frères de l’Evangile : Bernard, donc, et Henri, installé en Algérie depuis 37 ans. Le frère Xavier, qui était là depuis 33 ans, est décédé en avril dernier dans un accident de voiture.
Le quotidien des deux religieux tourne autour de travaux dans les jardins, d’aide à la population locale et de la prière du soir, dans la petite chapelle, en compagnie des quelques membres des Petites sœurs de Jésus, qui vivent dans une maison voisine. « Il y a encore quelques années, il nous était possible de travailler. Deux frères ont notamment travaillé à la météo locale, deux autres ont enseigné le français, un autre travaillait dans la fabrique de limonade qui a fermé. Un frère a été maçon, il a construit de nombreuses maisons ici, un autre employé à la mairie… Aujourd’hui, c’est difficile car, quand il y a du travail, nous le laissons aux Algériens. » Bonnet vissé sur la tête, veste polaire, pantalon de velours et chaussures de marche, le frère Bernard ressemble plus à un randonneur qu’à un religieux et refuse tout prosélytisme. « Il n’y a pas de chrétiens dans la région et on ne fait rien pour. Nous ne sommes pas là pour ça. Des Algériens sont venus vers nous et ont voulu se convertir mais nous n’avons pas répondu à leur demande. En revanche, il nous semble important qu’il persiste un lieu comme celui-ci, pour vivre ensemble même si l’on est différent. Il y a une vraie sympathie à notre égard de la part de la population, qui s’est construite au fil du temps. »