Pascal Affi N’Guessan, président du Front populaire ivoirien (au pouvoir), estime que les Nations Unies et les soldats français, regroupés sous le terme générique de Forces impartiales, devraient s’imposer dans le désarmement du pays. Invité au Forum des partis politiques, des médias et de la société civile pour la démocratie et la paix, à Cotonou (Bénin), l’ancien Premier ministre, revenant sur les pourparlers de Pretoria, estime que le désarmement est non négociable.
De Cotonou
Les protagonistes de la crise ivoirienne, réunis depuis mardi à Pretoria, ont décidé de conserver le précédent accord obtenu dans la capitale sud-africaine comme base de travail. Conscients de l’impossibilité de progresser et d’apporter la paix aux Ivoiriens sans que le désarmement des forces loyalistes et rebelles n’ait été réalisé, il « a été convenu que ce processus commencerait immédiatement et s’achèverait d’ici au 20 août 2005», selon le communiqué conjoint publié après les pourparlers. Le Président Laurent Gbagbo, le Premier ministre Seydou Diarra, Alassane Ouattara, président du Rassemblement des Républicains (RDR), Guillaume Soro, secrétaire général de la rébellion des Forces nouvelles (FN) et Henri Konan Bédié ex-chef de l’Etat, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, ex-parti unique), réunis autour du Président sud-africain Thabo Mbeki, ont également maintenu au mois d’octobre 2005 la tenue des élections présidentielles. Pascal Affi N’Guessan, le président du Front populaire ivoirien (FPI, au pouvoir), qui a fait un passage au forum des partis politiques, des médias et de la société civile pour la démocratie et la paix, à Cotonou (Bénin), donne son avis à Afrik sur les derniers développements de la crise qui paralyse son pays.
Afrik.com : Avec quelles motivations êtes-vous venu au Forum ?
Pascal Affi N’Guessan : Je suis venu par respect et considération pour les organisateurs, en tant qu’homme politique devant encourager les bonnes volontés qui cherchent à améliorer la démocratie en Afrique. Sur ce thème, il y a toujours quelque chose à apprendre des autres.
Afrik.com : Quelle était la teneur de votre intervention ?
Pascal Affi N’Guessan : Nous estimons qu’il n’y a pas de schéma type de règlement des conflits. En Côte d’Ivoire, nous savons que la crise a éclaté après une tentative de coup d’Etat. Même si elle a été alimentée par des considérations sociales, politiques, ethniques ou religieuses… L’Etat étant dans une situation de déliquescence, depuis la crise économique des années 1980, il n’a pas été en mesure de régler le problème. Nous avons insisté sur le fait que l’Afrique passe peu à peu d’un système de parti unique à un système multipartite et que des forces se battent pour récupérer le pouvoir. La question est de savoir qui va en hériter : les forces démocratiques, les forces ethno-religieuses ou l’armée.
Afrik.com : Comment s’est passée la cohabitation avec vos collègues de l’opposition et des Forces Nouvelles (FN), au cours de ce forum ?
Pascal Affi N’Guessan : Nous sommes tous des Ivoiriens. Au niveau individuel, il n’y a pas de problèmes. C’est sur le plan politique qu’il y en a. Nous sommes souvent restés ensemble, au restaurant et durant les séances de discussions.
Afrik.com : Que pensez-vous des mesures prises à Pretoria ? Vous demandiez notamment à Thabo Mbeki de prendre ses responsabilités et de forcer les rebelles à désarmer.
Pascal Affi N’Guessan : Je pense qu’il faut agir sur tous les éléments armés, que ce soit les rebelles ou les groupes d’autodéfense, avec fermeté. Leur dire que le désarmement n’est pas négociable.
Afrik.com : C’est sur cette question du désarmement que l’accord de Pretoria a buté, les FN demandant à ce que les groupes d’autodéfense soient désarmés avant elles.
Pascal Affi N’Guessan : Je pense que les FN ne peuvent pas demander à ce que les groupes d’autodéfense soient désarmés avant elles, puisqu’ils ont pris les armes avant eux, et que ces groupes sont le produit de leur rébellion. Alors pourquoi ne pas désarmer de façon concomitante. Je crois que la situation actuelle arrange les chefs de guerre. Avec la force d’interposition, ils sont en sécurité au Nord et règnent en maîtres sur les populations et sur les ressources, comme le bois ou le cacao. N’importe quelle personne dans cette situation ne souhaiterait pas désarmer. Certains, qui n’étaient que des soldats dans l’armée, disposent désormais de vastes bureaux, peuvent choisir la femme de leur choix dans le village… Ils craignent peut-être un retour à leur situation précédente, avec toutes les incertitudes qui y sont liées. Comment renoncer à cela si on ne les y force pas. C’est la démarche de la communauté internationale, qui demande à ce que le désarmement soit volontaire, qui ne marche pas.
Afrik.com : Concrètement, qui doit aller chercher les armes ? Les Forces armées nationales de Côte d’Ivoire (Fanci), les forces de l’Onu, les soldats français de Licorne…?
Pascal Affi N’Guessan : Les Forces armées ivoiriennes pourraient êtres accusées de ne pas faire preuve d’équilibre. Mais les forces impartiales doivent aller chercher les armes. Demander à ce qu’elles soient déposées à tel endroit. Ceux qui ne le feront pas devront être poursuivis. Il ne faut pas être attentiste.
Afrik.com : En ce qui concerne les mesures prises lors du second sommet de Pretoria, qui fixent au 20 août la date limite du désarmement et maintiennent au mois d’octobre les élections présidentielles…
Pascal Affi N’Guessan : Au-delà des dates, ce qui me paraît essentiel est l’engagement avec lequel les acteurs respecteront les accords. Le meilleur accord possible ne sera pas respecté si les protagonistes sont de mauvaise volonté, de la même façon qu’un accord imparfait sera une réussite si les protagonistes le désirent. Il y a eu beaucoup de rendez-vous manqués pour désarmer : celui de mars 2004, à l’initiative du Premier ministre, celui du 15 octobre de la même année, décidé à Accra, puis celui du 21 juin, arrêté conjointement par les Fanci et les FN. Pour notre part, nous avons accepté l’entrée des rebelles au gouvernement, nous avons renoncé au poste de Premier ministre, le FPI a perdu son leadership au Parlement et ne peut plus appliquer son programme… Nous ne savons plus que donner. Il y a eu beaucoup de mauvaise foi et d’actes de défiance jusque-là. Dans ce compromis, les autres ont beaucoup gagné, et les seules choses que nous demandions, le désarmement, l’unité du pays et la paix, ne nous a pas été accordé. Et nous nous posons aujourd’hui la question : faut-il continuer ou arrêter ? Valait-il la peine de quitter la Primature ?
Afrik.com : Une chose est sûre : vous êtes déjà en campagne présidentielle, vous qui sillonnez la Côte d’Ivoire depuis plusieurs semaines…
Pascal Affi N’Guessan : Un parti est en permanence en campagne, mais nous sommes effectivement mobilisés en vue de cette échéance. Nous avons désigné nos directeurs de campagne régionaux, y compris dans le Nord, où ils ne pourront pas prendre leurs fonctions dans l’immédiat.
Afrik.com : Pensez-vous que les élections pourront réellement se dérouler en octobre ?
Pascal Affi N’Guessan : Tout ne dépend pas de nous et nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour aller aux élections. Mais à l’impossible nul n’est tenu. Nos efforts peuvent être vains et c’est pourquoi nous demandons à la communauté internationale de nous aider. Si elle n’exige rien, elle n’aura rien.
Afrik.com : La Côte d’Ivoire est-elle aujourd’hui plus proche des élections ou de la guerre ?
Pascal Affi N’Guessan : Nous sommes plus proches de la paix. Mais souvent, les derniers efforts sont les plus délicats et les plus attendus ! Il suffit d’une seule volonté de la part de nos frères en armes du Nord pour que nous obtenions la paix. Encore une fois, c’est pour cette raison que nous réclamons l’aide de la communauté internationale.