Les 27 fermiers mauriciens dont les exploitations avaient été réquisitionnées par le gouvernement zimbabwéen vont pouvoir regagner ses terres. L’Etat du Zimbabwe assurera la sécurité des Mauriciens mais ils n’auront le droit de posséder qu’une seule ferme. Au même titre que les autochtones.
Ils sont 27 Mauriciens (90 personnes en comptant les familles), propriétaires de fermes au Zimbabwe, et leur sort vient d’être fixé par le gouvernement d’Harare. Leurs propriétés avaient été saisies, en septembre dernier, dans le cadre de la politique autoritaire de redistribution des terres de Robert Mugabe. Elles viennent d’être rayées de la liste des fermes à redistribuer à la population autochtone. Alors que nombre d’entre eux avaient fui leurs exploitations, les fermiers mauriciens pourront donc revenir chez eux, » en toute sécurité » comme l’a déclaré M. Mudenge, ministre des Affaires étrangères du Zimbabwe.
Mais les fermiers sont sceptiques. » La plupart des Mauriciens n’a aucune confiance dans les autorités zimbabwéennes qui leur mentent depuis deux ans « , explique Benoît Lagesse, leur porte-parole, fermier dans le Masvingo. » Dernier exemple en date : le vendredi 18 octobre, le gouverneur du Masvingo nous a donné l’instruction de rentrer chez nous pour de bon mais le lundi suivant nous avons reçu de nouveaux ordres d’expulsion. »
Faire un choix
Pourtant, » les Mauriciens sont, comme les Zimbabwéens, des ressortissants de la SADC (Communauté de développement d’Afrique australe, ndlr) « , précise Patrice Curé, directeur des affaires bilatérales au ministère des Affaires étrangères mauricien. » Ils ont donc droit à une certaine protection de la part des autorités du Zimbabwe. » Résultat : les fermiers mauriciens seront traités comme leurs homologues zimbabwéens. Et ne sont autorisés à garder qu’une seule ferme s’ils en possèdent plusieurs. » Ils devront faire un choix parmi leurs exploitations « , indique Patrice Curé. » Dans ce genre de situation tendue, on ne peut pas donner 100% de satisfaction. La diplomatie mauricienne a tout de même réussi à défendre les intérêts de ses ressortissants sans pour autant s’immiscer dans les affaires intérieures du Zimbabwe. »
Du côté des fermiers mauriciens, les interrogations se bousculent. » Il n’y a aucune loi pour le moment qui stipule que les habitants du Zimbabwe n’ont pas le droit de posséder plus d’une seule ferme. Si le gouvernement va jusqu’à changer la loi de la propriété agricole, quelle surface peut-on garder ? Est-ce-que chaque membre d’une même famille peut garder une ferme à son nom ? Nous ne savons rien pour le moment et nous refusons de donner nos exploitations, et les investissements en temps, en argent et en énergie qu’elles représentent, au gouvernement sans aucune compensation « , assure Benoît Lagesse.
Pas de poursuites judiciaires
Dans le cadre des relations diplomatiques cordiales entre l’Ile Maurice et le Zimbabwe, la vingtaine de familles mauriciennes qui avaient refusé d’abandonner leurs propriétés au moment ou l’Etat zimbabwéen réquisitionnait les terres ne seront pas poursuivis judiciairement. Pour autant, ces derniers disent » avoir peur « . » Nous sommes en colère et prêts à défendre nos droits « , insiste le porte-parole.
L’immigration des fermiers mauriciens remonte aux années 55-65. Employés dans l’industrie sucrière locale, ils sont restés et ont acheté des propriétés qu’ils ont aujourd’hui transmises à leurs enfants. Les trois-quarts sont de petites exploitations de 120 à 200 hectares. Il y a quelques grandes firmes de 2 000 à 7 000 hectares et deux dépassent les 17 000 hectares. Elles concernent la canne à sucre, les agrumes, les légumes, le blé, le soja, le tabac, le maïs, les fleurs ou encore les noix. Quinze fermes se répartissent 7 100 ha de café, dont 2 800 ha ont déjà été donnés au gouvernement zimbabwéen. Cinq ranchs, sur une surface totale de 34 000 ha (dont 17 000 déjà cédés) sont consacrés au bétail et à des safaris.
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