Comme si le cocktail « cyclones, inondations, sécheresse, flambée des prix et insécurité alimentaire chronique » ne suffisait pas, une crise politique prolongée est venue aggraver la vulnérabilité des populations ; pourtant, au lieu de recevoir davantage d’aide, le pays est désormais encore plus isolé.
Les bailleurs internationaux doivent faire face à la gravité de la crise humanitaire de plus en plus profonde qui touche Madagascar et, peut-être avant tout, envoyer des fonds, selon les organisations humanitaires de l’île de l’océan indien.
« C’est comme si la population de Madagascar devait être punie pour les conséquences de la crise politique », a dit à IRIN Xavier Leus, coordinateur résident du Système des Nations Unies à Madagascar.
Face au changement de régime aux allures de coup d’Etat qui s’est opéré à Madagascar, paralysant les structures économiques et gouvernementales du pays au début de cette année, la communauté internationale a réagi en se désengageant. Certains organismes régionaux tels que l’Union africaine et la Communauté de développement d’Afrique australe ont suspendu la participation de Madagascar à leurs instances, et les bailleurs ont rapidement cessé d’octroyer au pays toute aide non-humanitaire.
Même en termes d’aide humanitaire, pourtant, les bailleurs sont loin d’être généreux : la communauté humanitaire de Madagascar s’est unie pour tirer la sonnette d’alarme en lançant un « appel d’urgence » pour solliciter la somme de 36 millions de dollars, le 7 avril ; trois semaines plus tard, l’appel semble être tombé dans l’oreille d’un sourd, les bailleurs ne s’étant engagés qu’à hauteur d’un million de dollars.
Parallèlement, l’Equipe nationale des Nations Unies à Madagascar se prépare à lancer, par l’intermédiaire du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), un appel à financement dans le cadre du Fonds central d’intervention d’urgence (CERF), réservé aux opérations urgentes et vitales.
Le message est plus clair
En décembre 2008, déjà, le système d’alerte précoce (SAP) du gouvernement malgache attirait l’attention sur la nécessité de fournir une aide alimentaire à 150 000 personnes, en proie à une sécheresse persistante et à des taux de malnutrition critiques, dans le sud du pays.
Les organisations humanitaires malgaches et internationales, dont Catholic Relief Services (CRS), l’Adventist Development and Relief Agency International (ADRA) et Médecins du monde, qui prodigue des soins médicaux aux populations vulnérables, touchées par les catastrophes, se sont unies pour renforcer le plaidoyer en faveur de l’action humanitaire.
« Madagascar est confronté à une crise humanitaire évolutive, aux proportions sans précédent dans son histoire », ont-elles déclaré dans un communiqué collectif, publié par Christian Action Research and Education (CARE), le 23 avril.
« Le pays était déjà confronté à une sécheresse extrêmement inquiétante, dans le sud, à laquelle se sont ajoutées les conséquences des cyclones et des tempêtes tropicales, et l’insécurité alimentaire », pouvait-on lire dans le communiqué.
Aujourd’hui, à mesure que les besoins deviennent rapidement ingérables, le Programme alimentaire mondial et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) sont extrêmement préoccupés à l’idée que, faute de subventions, toute intervention, même modeste, face à la crise alimentaire ne soit pas viable.
Selon le communiqué de CARE, le risque est accru par le fait que Madagascar se trouve actuellement en période de soudure, à l’approche de la récolte principale (mai/juin) ; le SAP a toutefois averti qu’en raison des faibles précipitations, il ne fallait guère s’attendre à ce que la production vivrière nationale soit d’un grand secours.
Madagascar a connu des saisons cycloniques plus difficiles, mais les trois cyclones qui l’ont frappé depuis janvier 2009 ont provoqué des inondations dans l’ensemble du pays, le déplacement de plusieurs milliers de personnes et près de 30 décès. Le dernier, Jade, qui s’est abattu sur le territoire malgache le 6 avril, a touché plus de 60 000 personnes.
Tout cela vient s’ajouter à la situation déjà précaire dans laquelle se trouve l’île. Les indicateurs de développement et de santé sont alarmants : 70 pour cent de la population vit avec moins d’un dollar par jour, près de 40 pour cent des habitants sont sous-alimentés, et toutes les heures, deux enfants meurent avant l’âge d’un mois.
Un appel au réengagement prudent
La plupart des observateurs s’accordent à dire que ni les organisations internationales, ni les structures publiques fragiles et de moins en moins opérationnelles de l’île n’ont les moyens de faire face à ce concours d’urgences.
« Nous tentions déjà de collaborer avec le gouvernement avant la crise ?…? Mais maintenant, [en] conséquence de la crise politique, la capacité des autorités (en particulier au niveau décentralisé) et celle des bailleurs à travailler avec le gouvernement ont disparu », a expliqué M. Leus, le coordinateur résident des Nations Unies.
« Les bailleurs attendent que la HAT ?Haute autorité de transition] montre son [honnêteté] », a expliqué Guy Ratrimoarivony, général à la retraite et directeur des séminaires stratégiques au Centre d’études diplomatiques et stratégiques d’Antananarivo, la capitale. Le réengagement des bailleurs serait plus facile si la HAT s’engageait véritablement à organiser de nouvelles élections « le plus rapidement possible », a-t-il déclaré à IRIN.
Naturellement, l’aide au développement et le soutien budgétaire direct dépendent de l’attitude de la communauté internationale envers la HAT, mais « il est absolument essentiel qu’une aide humanitaire soit accordée : une grande partie de la population souffre vraiment, et continuera à souffrir tout au long de cette crise [politique] ».
M. Leus partage cet avis. « C’est une question de gouvernance et bien sûr, nous devons travailler sur ce problème, mais en même temps, nous devons penser à ce qui arrive au peuple malgache ».
Photo: Tomas de Mul/IRIN