Difficile situation des étudiants africains en Chine. Face à l’épidémie de pneumonie atypique qui secoue le pays depuis février, ils n’ont pour la plupart pas les moyens de rentrer chez eux. Ceux qui habitent les Universités pékinoises sont, comme leur camarades chinois et étrangers, mis en quarantaine. Ils attendent un signe de leurs ambassades.
Pékin, ville morte. Depuis février dernier, la capitale chinoise vit dans l’angoisse et au rythme de la propagation de l’épidémie de pneumonie atypique. Ses rues, d’habitude si animées, se sont partiellement vidées. Mardi, la Chine a signalé plus de 200 nouveaux cas du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et la mort de neuf personnes, dont sept à Pékin, ville la plus touchée au monde (877 cas avérés, sur 2.601 à l’échelle nationale, 954 cas suspects et 42 morts). Depuis trois jours que son université est mise en quarantaine, comme tous les établissements scolaires de la capitale, S., jeune étudiant gabonais, apprendra probablement l’information par Internet.
Totalement coupé de l’extérieur, comme les autres élèves du campus, il dispose de peu d’informations » officielles « . » Si on nous a demandé de ne pas quitter l’enceinte de l’université, c’est que c’est vraiment grave mais en même temps, c’est une façon de nous protéger car il n’y a pas encore eu de cas déclaré sur le campus « , explique-t-il. Du coup, les cours continuent, donnés par les professeurs qui logent dans l’université. » L’ambiance y est vraiment particulière. Beaucoup d’étudiants préfèrent ne pas sortir de leur chambre et ceux qui sont présents en cours portent tous des masques. »
Partir ou ne pas partir…
La quinzaine d’étudiants africains répertoriés dans l’établissement sont logés à la même enseigne que S. : celle de l’université. Interdiction de sortir jusqu’à nouvel ordre, aucun contact avec l’extérieur autorisé, les repas se commandent et sont portés directement dans les chambres… S. tente de se remonter le moral avec son colocataire, du Gabon lui-aussi. Il ne sort que pour prendre l’air dans les coursives de l’université… jamais sans son masque bien sûr, qui est le seul moyen de prévention dont dispose la population.
Les étudiants gabonais en Chine ont reçu une lettre laconique de leur ambassade avec une liste des médicaments à acheter et la conduite à adopter. On leur a fourni des thermomètres afin de surveiller leur température… Pour le moment l’éventualité d’un rapatriement en Afrique n’est qu’une vague rumeur. » Même si on nous rapatrie, le risque n’est pas moindre « , s’inquiète S. » Aucun de nous ne sait s’il est porteur du virus, qui a une période d’incubation, et on peut l’attraper sur le chemin de l’aéroport… » Si l’occasion se présentait, partir ou ne pas partir… est une décision délicate et difficile à prendre. » J’y réfléchis mais je n’arrive pas à me décider. »
Droit à l’information
Les étudiants africains de cette université pékinoise se sont regroupés pour porter plusieurs revendications aux dirigeants de l’établissement : en premier lieu, le droit à l’information. » Nous avons le droit de savoir si des cas ont été déclarés ou non dans notre université. Nous avons aussi demandé à passer des visites médicales et des tests mais cela pose problème car on ne peut pas faire venir un médecin de l’extérieur et personnellement, j’ai refusé de me rendre à l’hôpital. Les hôpitaux sont les lieux les plus infectés et comme je suis bien portant pour le moment, pas la peine de prendre de risque… Notre troisième demande était la désinfection des locaux, de nos chambres et des bureaux administratifs. Les autorités ont accepté ces revendications, alors nous attendons. »
La grande crainte de ces étudiants, c’est la perte de leur année scolaire. » Si on nous rapatrie, on rate cette année et le redoublement n’est pas autorisé en Chine… » Pour le moment, les cours n’ont pas été interrompus, contrairement à une autre université de Pékin où R., jeune étudiante gabonaise en commerce international a été priée » de ne plus se rendre à l’école » et de » rejoindre l’Afrique au plus vite pour être en sécurité « …
Les étrangers partent… les Africains restent
Dans les provinces chinoises, la situation varie d’une région à l’autre. » Officiellement, il n’y a que 5 cas dans toute la province du Henan qui est la plus peuplée avec 14 millions d’habitants mais en fait on ne sait rien. Les étudiants affirment qu’il y a eu deux cas décelés à la fac mais les autorités de l’Université disent que non. Qui croire ? » s’inquiète un enseignant chinois qui a souhaité gardé l’anonymat.
» Les bus sont désinfectés tous les jours et mon immeuble vient de l’être. A la fac, on nous a remis des thermomètres et chaque matin, on doit envoyer notre température par e-mail ou téléphone. » A partir du 30 avril, pourtant, M., du Congo, sera le seul étudiant étranger à se plier au rituel car ses condisciples japonais et coréens rentrent chez eux. » Ceux qui ont les moyens partent « , explique-t-il.
» En ce qui concerne les étudiants gabonais, nous n’avons pas reçu nos bourses depuis le deuxième semestre 2002 et le gouvernement gabonais ne s’est pas manifesté pour nous acheter des billets d’avion ! Nous sommes coincés ici « , explique S. de Pekin. Rester en Chine, cela veut dire plus de chance d’attraper la pneumopathie. Rejoindre son pays natal, c’est s’exposer à un refus d’entrée du territoire… Les étudiants africains en Chine se trouvent face à un problème cornélien… et atypique.
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