Le 9e sommet de l’Union Africaine, censé mettre sur les rails les Etats-Unis d’Afrique avec la création d’un gouvernement, s’est achevé en demi-teinte dans la nuit de mardi à mercredi à Accra, au Ghana. Les dirigeants africains se sont débarrassés de la patate chaude en la confiant à une commission ministérielle qui planchera sur la nature et les attributions d’un gouvernement de l’Union. Les Chefs d’Etat du continent reviendront sur la question en janvier 2008 à Addis Abeba.
« Le Grand Débat sur le Gouvernement de l’Union », principal point à l’ordre du jour du sommet de l’Union Africaine qui s’est achevé dans la nuit de mardi à mercredi dans la capitale ghanéenne, Accra, a bien eu lieu. Au grand dam de ceux qui espéraient, à l’instar du Guide de la révolution libyenne Mouammar Kadhafi, – il aurait souhaité devenir aussi celui de la révolution africaine – que le chantier des Etats-Unis d’Afrique soit lancé en grandes pompes. L’éléphant aura accouché d’une souris.
La nature et le calendrier qui prévaudront à la mise en place d’un gouvernement panafricain resteront encore des inconnues. Au moins jusqu’au sommet d’Addis Abeba où une commission ministérielle de l’UA chargée de plancher sur cette délicate question, selon la déclaration finale publiée à Accra, fera part de ses conclusions au Conseil des chefs d’Etats et de gouvernements. Conseil qui fera, lui-même à son tour, ses recommandations à la prochaine session ordinaire de l’Union africaine qui se tiendra en janvier 2008 en Ethiopie.
Un commission ministérielle pour mener la réflexion
Certes, a tenu à préciser le Ghanéen John Kufuor, président en exercice de l’Union africaine, il n’y a ni gagnants ni perdants. Cependant Mouammar Khadafi, soutenu par le président sénégalais Abdoulaye Wade, a bel et bien perdu la bataille des idées face au chef d’Etat sud-Africain Thabo Mbeki et à ses partisans. Pour ces derniers, l’établissement d’un gouvernement d’union doit être envisagé de façon graduelle quand, pour leurs vis-à-vis, l’unité africaine doit être immédiate. Pour les promoteurs du pas- à-pas, l’Union ne saurait être possible sans une intégration régionale accrue qui passe par le renforcement des blocs régionaux existants. La voix, semble-t-il, de la raison.
Les pays africains connaissent bien des similitudes en termes de population et de culture. Pourtant, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis la balkanisation tant décriée de l’Afrique. Pour preuve, une intégration africaine toujours hésitante. A ce jour, seule la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) peut se prévaloir d’avoir fait, non sans quelques accrocs, de la libre circulation des biens et des personnes une réalité palpable.
Les partisans du pas-à-pas ont imposé leur tempérance
Du sommet d’Accra, il faudra donc retenir que les pays africains, du moins leurs dirigeants comme à la fin des années 50, ne sont décidément pas prêts à céder a l’appel du panafricanisme. La symbolique aurait atteint des sommets si la mise en place d’un gouvernement panafricain avait été annoncée dans la patrie du père africain du Panafricanisme, Kwame Nkrumah.
Accra 2007 est loin d’être la première tentative dans le sens de la création d’une véritable union africaine. Il en était déjà question dès les 6e et 7e congrès panafricains, ancêtres des sommets de l’UA, qui se tiennent en 1953 à Kumasi et à Accra en 1958 (toujours au Ghana). La Lybie fait alors déjà partie des panafricanistes convaincus. Les Etats-Unis d’Afrique devaient être alors la réponse à la balkanisation. Les seuls « susceptibles de faire du continent noir un acteur sur la scène mondiale » [[Le Monde diplomatique : Difficile gestation de l’Union africaine, Mwayila Tshiyembe, juillet 2002]]. « L’Afrique doit s’unir », cri de ralliement lancé par Kwame Nkrumah est toujours d’actualité et pour les mêmes raisons. Le message a encore été réitéré par le Révérend américain Jesse Jackson. Selon l’activiste, l’Afrique n’a pas les moyens de repousser l’intégration continentale qu’elle envisage au moment où la croissance mondiale s’accélère. Rien d’étonnant à cette piqûre de rappel puisque le concept du panafricanisme est une idée des cousins d’Amérique.
Impérieuse utopie !
Pourtant, les Africains n’en pensent pas moins. C’est ce même constat qui a motivé le choix du thème de ce neuvième sommet d’Accra. L’Union est une obsession africaine qui a du mal à prendre corps. C’est elle qui sous-tend l’existence de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), l’ancêtre de l’UA. Mais l’idée sera mise de côté jusqu’au sommet de Lomé, au Togo, en 2000 puis sera relancée au sommet d’Abuja en 2005. Un comité est constitué pour se pencher sur « la désirabilité et la faisabilité » de la création d’un exécutif panafricain constitué par des ministres ayant un portefeuille qui se rattache à l’UA. Il ira au-delà de son mandat en proposant la formation d’un gouvernement. Ses conclusions soumises en juillet 2005 à Syrte, en Libye, seront à l’origine de la formation d’un autre comité chargé d’examiner cette nouvelle option.
En novembre 2006, le comité exécutif de l’UA, s’appuyant sur les analyses de ce dernier comité et du désir affiché des Etats africains, en dépit de leurs divergences de points de vue sur la nature et les missions de ce gouvernment, décide de le porter à l’ordre du jour du prochain sommet de l’UA. A Accra, le désir a plané, les débats ont été houleux, mais remettre à plus tard ne signifie pas renoncer. Les pays africains, à travers la déclaration finale des chefs d’Etat, ont tenu à affirmer qu’ils ne voulaient imiter personne et créer une union à leur image. A leur rythme, aussi, pourrait-on ajouter.