De nombreux programmes de lutte contre le sida ont été lancés en Zambie par les entreprises pour protéger la capacité de production. De la prévention à la prise en charge des traitements antirétroviraux, tout est bon pour juguler l’hémorragie de la force de travail. Dépenser de l’argent pour ne pas en perdre, il s’agit avant tout de conserver le personnel qualifié, tout en veillant à lutter contre la discrimination envers les personnes infectées.
Par Reginald Ntomba du journal onusien Afrique Renouveau
Les entreprises de Zambie commencent à entrevoir la réalité : si elles n’adoptent pas des mesures efficaces de lutte contre le VIH/sida, elles courent le risque de voir leur main-d’œuvre décimée. “L’effet dévastateur du VIH/sida sur les ressources humaines de l’entreprise est une grande préoccupation”, explique Chileshe Kapwepwe, directrice de la National Airports Corporation Limited (NACL), société publique chargée de la gestion des aéroports zambiens. En effet, dit-elle, il y a de plus en plus de victimes parmi les employés, y compris parmi les éléments “les plus qualifiés, les plus expérimentés et les plus productifs”. Cette situation a encouragé la NACL à joindre un nombre croissant d’entreprises zambiennes qui adoptent des mesures et des programmes destinés à faire face aux conséquences économiques et sociales de la maladie.
Dans un pays où une personne sur cinq appartenant au groupe d’âge actif sur le plan sexuel et productif sur le plan du travail est séropositive, les ménages, les églises, l’administration et les autres institutions ne sont pas seuls à être affectés par le VIH/sida. Le secteur des entreprises est également touché par ce phénomène. Le taux croissant de mortalité enregistré chez les employés a de graves répercussions économiques, qui se manifestent par le nombre d’heures de travail perdues, par les indemnités versées aux travailleurs malades et mourants et à leurs survivants, et par la hausse des coûts de la formation réservée aux nouveaux employés. Selon l’étude la plus récente menée par le Ministère des finances et de la planification nationale, le taux de prévalence du VIH en Zambie en 2001-2002 était de 18% pour les femmes et de 16% pour les hommes d’âge adulte. Par ailleurs, il y a environ 800 000 orphelins du sida dans le pays, et la moitié des lits d’hôpital du pays sont occupés par des malades de l’épidémie.
Distribution d’antirétroviraux
Les taux de mortalité élevés liés à la maladie risquent par ailleurs d’avoir des effets négatifs sur les actionnaires et de les faire hésiter à investir dans les entreprises, craint pour sa part Albert Wood, président du Conseil d’administration de la State Insurance Corporation de Zambie. A son avis, “il devient impératif d’éviter cette menace imminente à l’investissement et à la croissance économique”. Sa société a donc adopté une série de mesures contre la pandémie et distribue notamment des préservatifs masculins et féminins sur le lieu de travail. Comme d’autres programmes similaires, celui-ci garantit la confidentialité aux employés.
Pour sa part, la Electricity Supply Corporation de Zambie (ZESCO), société qui a le monopole énergétique dans le pays, redoute que sa position de fournisseur unique d’énergie hydroélectrique soit remise en question si l’épidémie poursuit ses ravages dans les effectifs. Pour y parer, la société a lancé un programme qui comprend la distribution d’antirétroviraux aux employés infectés et à leurs conjoints. La société assume 75 % des frais encourus et les travailleurs 25 %. “La direction a examiné la manière dont nous perdions notre personnel expérimenté”, a indiqué un porte-parole de la société, Angela Cifire. A ceux soucieux du coût du programme, elle réplique que “ce qui est important ce n’est pas le coût, mais ce qu’il peut nous rapporter”.
Front commun des entreprises
Pour consolider et coordonner ces efforts, les sociétés privées ont formé la Business Coalition contre le VIH/sida de Zambie (ZBCA). Cette association a été constituée après la visite d’un groupe de chefs d’entreprise zambiens à la Business Coalition de Thaïlande, qui s’est déroulée en 2000 sous les auspices de l’ONU. Les objectifs de la ZBCA comprennent la mobilisation des milieux d’affaires contre le VIH/sida, l’adoption de mesures visant à atténuer l’impact de la maladie sur les effectifs des entreprises, le renforcement et le soutien accordé aux campagnes de prévention et de contrôle du virus VIH et la facilitation des contacts entre les entreprises et les services techniques et communautaires.
Sous la direction de l’ancien président Kenneth Kaunda, devenu un farouche militant contre le sida, la Coalition regroupe plus d’une quarantaine de sociétés (de nombreuses autres entreprises, dont des PME, ont adopté certaines formes de programmes anti-VIH/sida). La Coalition dispense par ailleurs une formation aux éducateurs des filiales des sociétés membres, qui deviennent des points de contact pour toutes questions ayant trait à la prévention, aux soins et aux antirétroviraux. Les syndicats zambiens appuient les initiatives des entreprises. Leurs représentants siègent dans les commissions mixtes direction-personnel chargées de revoir les programmes de soins. “Si les ouvriers souffrent du VIH/sida, les employeurs seront tentés de les licencier pour cause de manque de rendement”, redoute le chef du Congrès des syndicats zambiens, Leonard Hikaumba.
Lutter contre la discrimination
L’ostracisme dans lequel la société zambienne maintient les personnes atteintes du VIH/sida demeure un obstacle de taille. Faute d’aborder ce problème, estime le directeur général du ZBCA, Chileya Nkandu, la simple introduction de programmes antirétroviraux et d’autres mesures anti-sida risquent de ne régler cette question qu’à “moitié”. Pour encourager les employés infectés à s’associer à ces efforts, les programmes mis en place par les entreprises s’engagent à respecter la confidentialité des informations fournies par les employés et à éviter la discrimination à leur égard s’ils sont contaminés.
La National Airports Corporation Limited, par exemple, qui distribue des antirétroviraux aux employés infectés et à leurs conjoints, s’engage par ailleurs à ne soumettre aucun employé potentiel au test de dépistage du sida au moment de l’embauche. Tout en encourageant son personnel à se soumettre volontairement aux séances d’orientation et aux tests médicaux, l’entreprise s’engage à n’adopter aucune mesure discriminatoire à l’encontre du personnel séropositif dans sa politique de promotion, de formation, de mutation ou d’attribution d’avantages sociaux.
Prise de conscience de l’Etat
Aucune loi n’interdit à présent la discrimination à l’égard des personnes atteintes du VIH; cependant, dans le droit zambien, une telle discrimination peut entraîner des sanctions pénales. Pour leur part, les autorités se sont engagées à faire respecter les mesures anti-discriminatoires d’ici à 2005. De leur côté, des associations de défense des victimes du VIH/sida font pression pour l’adoption d’une loi interdisant expressément la discrimination basée sur la séropositivité d’une personne. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) convient qu’il est important de sauvegarder les droits pour rendre les programmes anti-sida plus efficaces. “Le traitement doit être fondé sur le respect des droits de l’homme”, affirme la représentante de l’OMS pour la Zambie, le Dr Stella Anyangwe.
Les autorités encouragent les initiatives des milieux d’affaires et ont elles-mêmes adopté des mesures anti-sida pour leurs propres employés. En fait, tous les ministères ont des programmes et appliquent des mesures dans ce domaine. “Les programmes anti-VIH/sida sont coûteux”, souligne le Ministre de la santé, Brian Chituwo, “mais seulement en apparence, car les bénéfices tirés sont considérables”. Tous les ministères importants reçoivent des antirétroviraux du Ministère de la santé et disposent aussi d’une enveloppe budgétaire pour financer les campagnes de sensibilisation de leur personnel à l’épidémie.
“Un problème global exige une solution globale”, affirme Margaret Mwanakatwe, présidente du Conseil national contre le sida, organisme officiel qui coordonne les activités anti-sida sur le plan national. En l’absence d’un remède, les efforts portent sur la prévention et les soins.
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