Les problèmes sociaux, conjugués à la surévaluation du dirham, ont mis à genoux les entreprises allemandes de textile installées au Maroc. Les entrepreneurs allemands songent à quitter le royaume.
« Puisque la tenue de ce séminaire semble prématurée, d’après les responsables de la DIE (Direction des Investissements Extérieurs), pourquoi ne pas dire aux investisseurs allemands qu’investir au Maroc était tout aussi prématuré? » s’interroge, interloqué, un » textilien » allemand installé dans la zone franche de Tanger. Au lieu de rassurer les investisseurs, le séminaire intitulé « Comment faciliter les investissements au Maroc », qui s’est déroulé mercredi dernier à Casablanca, a plutôt semé le doute dans les esprits. Réunissant une pléiade d’investisseurs allemands dont le parcours semble pour le moins inquiétant, cette manifestation a permis de donner libre cours à leur désarroi. Surtout en ce qui concerne les » textiliens » installés à Tanger dont la situation est de plus en plus « alarmante ».
Manque de transparence
En raison de la conjoncture actuelle qui prévaut pour la quasi totalité des sociétés textiles au Maroc, la Chambre de Commerce allemande (DIHK) a tenu à exposer les déboires de ces opérateurs basés au nord du Maroc. Selon les quatre entreprises présentes, Norprotex, Kendzia Maroc, Tabatex et Textile Manufacturing, qui emploient au total un effectif de près de 1.600 personnes (et près du double quelques années plus tôt), la situation a commencé à se dégrader en 1995. Ces sociétés, dont la plupart sont installées depuis de nombreuses années, ont souffert de grèves sauvages, d’occupations d’usines (comme à Salé l’hiver dernier), de manque de transparence de la part de la jurisprudence marocaine et des lenteurs de l’administration.
Ces problèmes, indique Andreas Hergenrother, chef du Département juridique de la DIHK et porte-parole des textiliens allemands, ont causé la perte de plusieurs milliers d’emplois mais aussi et surtout la fermeture de bon nombre d’usines allemandes au Maroc, telles que les sociétés Azitex à Fès, DMS à Tétouan, Garment et Artlander à Tanger. Celles qui tentent de résister le font aujourd’hui à contre-courant. Selon Hergenrother, elles sont pénalisées par un dirham devenu trop cher, des coûts de production plus élevés qu’en Europe de l’Est et pire, par des jugements qui accordent des indemnités, même aux salariés licenciés pour faute grave.
Il ajoute que la plupart des entreprises allemandes se trouvent encore confrontées à ce type de jugement, qui représentent des risques incalculables pour elles, car dans l’industrie textile, la marge de bénéfice est minime.
La crise est passée par là !
Ces sociétés, qui perdent chaque année des centaines de milliers de DH, se sont adressées par le biais de la DIHK, au Ministère de la Justice (dans un courrier daté d’avril 2001), à la DIE et à la Primature en vue de trouver une solution. Après plusieurs réunions qualifiées de stériles, les sociétés n’ont jusqu’à présent obtenu aucun résultat concret. Conséquence, les entrepreneurs veulent tout vendre et s’en aller sous d’autres latitudes plus clémentes.
Les industriels gravement menacés s’interrogent: « Que faire et surtout à qui s’adresser? » Un d’entre eux, agacé mais néanmoins réaliste, va plus loin en arguant que « la surévaluation du dirham pousse à l’illégalité ».
Avant la crise, ces entreprises travaillaient beaucoup avec l’Allemagne. Aujourd’hui, n’étant plus compétitives, elles se rabattent sur l’Espagne, plus proche géographiquement, dont le coût de transport ne pénalisera pas autant qu’une autre destination.
Radia Lahlou