Après Nelson Mandela et Desmon Tutu, le colonel Mouammar Khadafi sera t-il le prochain prix Nobel de la paix africain ? La question n’est pas si farfelue si l’on considère l’élection, lundi dernier, de la Libye à la présidence de la Commission des droits de l’Homme des Nations Unies. Au delà des méfaits du « Guide de la Révolution », internationalement reconnus, c’est le fonctionnement de l’organisation onusienne qui est à revoir.
Depuis quelques années, le colonel Khadafi a entrepris de gagner à l’extérieur la reconnaissance internationale qu’il ne peut obtenir pour sa politique intérieure. Ses efforts pour faire avancer les pourparlers de paix entre le Tchad et la Centrafrique ont été très remarqués, tout comme ses tentatives de médiation – par l’intermédiaire de son fils – lors de la prise d’otage de ressortissants occidentaux à Jolo (Philippines). Cela doit-il faire oublier que la liberté d’opinion en Libye est un mythe, qu’en conséquence la formation de partis et la critique du régime sont interdits et que le pays compte des centaines de prisonniers politiques ?
Pour la Commission des droits de l’Homme des Nations Unies : il semble que oui. Pour la noble institution, comme pour le colonel Khadafi, l’image internationale passe avant les faits. L’Union européenne s’est seulement abstenue de participer au vote parce qu’elle ne voulait pas heurter les pays africains, à qui il revenait cette année de choisir le pays qui allait présider l’organisme onusien. C’est uniquement parce que les Etats-Unis tenaient à montrer leur opposition à l’élection de la Libye que pour la première fois en 58 ans, le président de la vénérable Commission a été élu et non désigné par acclamation. Le fait est que les représentants des Etats membres agissent en diplomates au sein de l’arène des droits de l’Homme et recherchent le consensus dans un domaine qui ne le souffre pas.
Politique de l’autruche. Au cours de la 58ème session de l’organisation, qui s’est tenue en avril 2002, « les témoins directs des violations des droits de l’Homme ont vu leur temps de parole limité, parfois supprimé. Les Etats membres de la Commission se sont ainsi dispensés de leurs témoignages et analyses », explique la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH). Selon cet organisme, « le groupe africain s’est distingué par des positions auto-protectrices au nom d’une solidarité régionale à visées exclusivement politiques ». Les pays occidentaux ne sont pas en reste. Aucun texte sur la situation en Chine n’a été déposé, que ce soit par les Etats-Unis, si prompts à se dresser contre la Libye, ou par les Etats membres de l’Union européenne. Aux visées politiques, ces pays ajoutent les considérations économiques. Les droits de l’Homme sont à vendre et la Chine a beaucoup à offrir.