Les années soixante ont vu un déferlement des indépendances. Les puissances coloniales, dans un élan de « générosité » libératrices, ont fait don de leur autonomie à leurs anciennes possessions ultra-marines. Les ressortissants de ces pays, unanimes, ont chanté en chœur la générosité de l’ancienne Métropole et ont voué,en ce qui concerne les anciens Territoires d’Outre Mer, une reconnaissance éternelle au grand homme que fut Charles de Gaulle.
La propagande fit le reste et ancra, dans l’imaginaire collectif, que l’Indépendance était la traduction, dans les faits, des principes de liberté et de fraternité dont s’ est toujours réclamée la France depuis le Siècle des Lumières.
On occulta le contexte international, la guerre d’Algérie, la mise en place de longue date du « système ». Seuls quelques rares « aigris », dont les voix furent vite étouffées, ont timidement fait valoir que cette générosité masquait, en réalité, un marché de dupes et libérait, en fait, le pouvoir colonial d’ un fardeau diplomatique, militaire, économique et démographique, qui allait en s’alourdissant au fil des ans.
Le contexte
On n’ insistera pas sur les pressions internationales en faveur de la libération des Territoires, pressions exercées principalement par la doctrine « anticolonialiste » de F.D Roosevelt et de ses successeurs et entérinées par la Charte des Nations Unies.
A peine délivrée de « l’impôt du sang » dans la guerre de l’ex-Indochine, la France eut à faire face à la guerre de Libération algérienne qui devait creuser une fracture profonde dans la communauté nationale et entraîner la chute de la IVè République. Des signes, au surplus, faisaient craindre la propagation des troubles en Afrique Noire d’autant que la division du monde en blocs poussait à l’incendie. Le statu quo politique eût été intenable.
Au plan économique , l’addition se révélait plus lourde encore. Le principe de l’Union française tendait,à l’origine, à rapprocher, autant que faire se peut, le statut et les conditions des ressortissants des Territoires avec ceux de la Métropole. Avec le » différentiel » de taux de natalité,ce n’était pas financièrement possible et la Métropole, en moins de vingt ans, aurait été submergée par ses anciens colonisés au point que le Parlement français lui-même aurait été africanisé et arabisé.
Il fallait donc se tirer élégamment de ce guêpier d’ autant que la Communauté économique européenne commençait à voir le jour. Dans ce contexte, l’ octroi des indépendances était tout bénéfice et, entre autres:
levait l’ accusation de puissance colonialiste qui pesait sur la Métropole,
évitait une potentielle « colonisation » de celle-ci par ses anciens ressortissants,
permettait d’ exécuter, par autochtones interposés, la politique souhaitée par le ou les puissances européenne(s) sans craindre de voir peser sur elle(s) les anathèmes infamants de « colonialistes », « impérialistes « et, surtout, de laisser à ces mêmes autochtones , le soin de mater les « rebellions locales…tout en s’assurant un « noyau dur » dans les organisations internationales.
Ce désengagement fut mené de main de maître par:
l’ élimination des mouvements et des éléments susceptibles de perturber le « grand jeu »,
la mise en place d’ accords de coopération extrêmement vastes.
L’ élimination,
….. nous nous bornerons à mentionner:
au Cameroun, dès 1957, les massacres en pays bamiléké et l’ élimination des dirigeants patriotes del’Union des Populations du Cameroun (UPC): assassinat deUm Nyobé en 1957, de Felix Moumié en 1960 et d’Ossendé Afana en 1966
au Togo,le trop indépendant et plus ou moins anglophile Sylvanus Olympio est éliminé , en janvier 1963,avec la bienveillante neutralité de M.Mazoyer, ambassadeur de France à Lomé,
au Gabon,le président Léon M’Ba,écarté le 18 février 1964 par l’armée gabonaise sans un coup de feu est rétabli, le 19 fvrier1964 par deux régiments de parachutistes français débarqués de Dakar et du Centrafrique.
….. A Madagascar, les hypothèques étaient levées depuis les événements de 1947. Le MDRM, décapité et dissous, les symbole du patriotisme emprisonnés ou interdits d’ activités politiques, voie était libre pour » les enfants chéris de la Mère Patrie à savoir: les dirigeants du PADESM (Parti des Déshérités de Madagascar) parti collaborationniste… »
Pierre Ranjeva