Descente à River Road, de l’écrivain kenyan Meja Mwangi, plonge au coeur des faubourgs sombres de Nairobi. Histoire d’une vie brisée, de quelques verres de trop. Histoire surtout de rappeler que, même quand on touche le fond, la vie peut être intense.
Cela pourrait être l’histoire de Ben et de Winnie. Une histoire d’amour tendre entre un sergent viré de l’armée et une ancienne prostituée devenue secrétaire. Ca pourrait aussi être l’histoire de Ben et de Bébé. Ou la rencontre improbable d’un rebus de la société et d’un orphelin. Mais c’est avant tout l’histoire de Ben et du changaa. Une histoire d’illusions noyées dans le tord-boyaux le plus ignoble des faubourgs de Nairobi.
ça s’intitule Descente à River Road, et de River Road à l’enfer, il n’y a qu’un pas. Meja Mwangi, auteur kenyan, extrait les restes de tendresse d’une vie brisée. Sa plume dissèque le quotidien poussiéreux d’un Ben comme il en existe des légions. Du chantier d’un palace en construction où les ouvriers s’épuisent, s’aiment et se haïssent, aux intérieurs nourris de cafards. Des clandés pleins de putes et d’ivresse aux errances maigres d’avant la paye.
Une vie après la vie
Roman poignant, hypnotique comme une longue agonie. Ben incarne un point de retour. La tragédie est en amont, lorsque sa carrière militaire a pris fin. Jugé pour faute. Une histoire de trafic. Innocenté, mais marqué à vie. Et la vie, désormais, se passe, pour lui comme pour tout un peuple fourmillant, grouillant, rampant dans les quartiers sombres, à boire et à tenter, tant bien que mal, de trouver l’argent pour continuer à boire. Le sergent Ben a juste la lucidité en trop pour ne pas se résigner tout à fait à son sort. Mais il n’a pas l’espoir suffisant pour garder une femme, une Winnie par exemple, ou une situation, ou un appartement.
Qui lui apportera le salut ? La mort plane en permanence dans les pages de River Road. Le choléra guette, les vieilles rancoeurs réclament vengeance, les accidents de chantier prennent leur dîme… Mais, comme le sait Ben, les Africains résistent à tout. Sauf peut-être à l’usure lente de la misère. Qui sauvera Ben ? En est-il encore temps ? Il y a une vie dans la survie, et, à défaut d’être belle, elle peut être très intense.
Meja Mwangi, Descente à River Road, 2002
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